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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 15 JUIN 1994

L’UTOPIE À L’ASSAUT DE L’ENTREPRISE

Ce n’est pas tous les jours qu’on peut lire, dans "Libération", une tribune libre intitulée "Le Retour du Droit d’aînesse". Cet article figurait dans la chronique des Idées en date du 14 juin 1994 sous la signature de M. Philippe Chaillou, qui est Conseiller à la Cour d’Appel de Paris. Nous nous sommes donc intéressés à ce texte, habile et élégant, lequel reproche à la politique sociale et familiale de Mme Veil de viser "essentiellement à la revalorisation des prestations. Le temps n’est plus, semble-t-il, écrit ce magistrat parisien, aux politiques de la famille initiées par de grandes lois de droit civil véhiculant un symbolique fort". Il y aurait matière à de longues dissertations philosophiques et sémantiques à partir de ces phrases simples, belles et vénéneuses.

"Mais curieusement, écrit au bout du compte M. Chaillou, le projet de loi plus important concernant la famille en 1994 n’est pas celui-là".

Et de dénoncer, dans la foulée de ses réflexions brillantes, le projet d’Alain Madelin sur la Transmission des Entreprises.

Et notre magistrat parisien de dénoncer là le retour d’une "sorte de droit d’aînesse", alors que, bien évidemment, on ne trouve aucune trace de cet émouvant héritage féodal, que nous envions à l’Angleterre dans le projet de M. Madelin. L’important est de suggérer.

Car on arrive au fond du reproche. Nous citons l’article : "aux yeux du libéralisme avancé, ces principes égalitaires ne sont qu’archaïsme. Ce qui est premier ce n’est pas l’égalité mais " la pérennité des entreprises ". Et si, d’aventure, cet argument ne suffisait pas on évoque sans rire le chômage. Les difficultés liées à la transmission des Entreprises coûteraient chaque année 80 000 emplois ! " Fin de citation.

N’oublions pas ce point d’exclamation… C’est, en effet, risible, 80 000 emplois par an. Il y a, plus loin, des considérations sur le naufrage de l’agriculture. Comme quoi la qualité de conseiller à la Cour d’Appel de Paris, qualité dont nous ne faisons pas grief à l’intéressé mais que nous relevons sous sa signature, confère le loisir de disserter de tout.

L’utopie du partage égalitaire des successions a été, en France, à l’origine du désert démographique, et, entre autres, du désastre de 1940…

L’utopie du partage égalitaire des successions est évidemment plus précieuse, aux yeux de certains, que la vie réelle des Entreprises et des Nations. Nous le concevons parfaitement. Nous l’observons encore.

Quand on signe une opinion en excipant de sa qualité de magistrat, on est hélas mal placé pour invoquer l’égalitarisme. La Révolution a, paraît-il, aboli les titres de noblesse. Il serait agréable que ce fût pour tout le monde.

Certes il faut des symboles forts. Nous aimons bien "La Liberté guidant le Peuple" peinte par Delacroix. On peut en préférer d’autres, pourvu qu’il s’agisse de défendre l’intelligence, le courage, au service de la valeur de l’individu, et donc de la Liberté.

Sans doute le gouvernement actuel agit-il, souvent, maladroitement. Quand il est animé de bonnes intentions, il est entravé par des pudeurs et des langages technocratiques, qui gâchent tout. Il n’est donc pas mauvais d’analyser les procès d’intention qui lui sont faits. Ainsi Alain Madelin, homme de Liberté et homme du Peuple s’il en est, se voit traîné par le Tribunal Révolutionnaire de l’Utopie sur l’échafaud des aristocrates et des absolutistes, le fils d’ouvrier breton rejoignant Marie Antoinette….

Nous allons beaucoup plus loin que ce projet en matière de succession : nous demandons l’abolition des Droits de succession et la Liberté de tester.

Nous ne sommes donc guère surpris d’apprendre qu’un certain ministre de la Répression (verbale) tartarine en ce moment, à notre propos, sur le thème "il est intolérable que l’on remette en cause la Protection sociale". Comme si les gestionnaires du système ne la remettaient pas bien plus en cause que nous ne saurions le faire…

Allons MM. les coupeurs de tête, de droite et de gauche, il faudra bien vous y faire : -- la Liberté vaincra.

JG Malliarakis

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