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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 21 SEPTEMBRE 1994

Une bonne équation pour M. Giscard d’Estaing

8 410 F (Coût du Smic) - 4 750 F (Salaire Net) = 3 660 F Soustraits aux Salariés par les monopoles

L’ancien président de la république, que le monde nous envie, M. Valéry Giscard d’Estaing publie, depuis 3 jours, dans "Le Figaro" une série d’articles dont le propos est de répondre à la lancinante question du Chômage. Le problème a largement changé de nature depuis l’époque où il exerçait ses talents à la tête de l’État. Le chômage s’est multiplié par 3… et par conséquent, tous les mécanismes institués à l’époque où l’on pensait que la France ne dépasserait jamais 3 % de chômeurs, ne conviennent quand le taux de chômage est, officiellement, d’au moins 12 %.

Nous avons même pu constater que sur le diagnostic, M. Giscard d’Estaing va très loin dans le sens qui est celui de notre analyse. Graphiques à l’appui, cela fait très sérieux, il souligne ce que tous les économistes savent : que le salaire minimum est un obstacle à l’embauche. Non pas, en l’occurrence, du fait de son montant net, qui n’est guère dissuasif, mais du fait de son montant charges comprises.

La conclusion qu’en tire l’ancien chef d’État est que la collectivité doit, pour sortir du chômage, financer la différence entre le salaire que l’entreprise peut supporter et le "SMIC + Charges", autrement dit payer en direct les charges sociales relatives aux bas salaires.

Si le diagnostic est bon, convenons que le remède est détestable.

Le premier défaut du système serait, bien évidemment, qu’il apparaîtrait non comme une aide aux chômeurs mais comme un cadeau aux entreprises : un cadeau supplémentaire diraient les gens comme ceux de la CGT, mais aussi comme Mme Notat qui va jusqu’à parler de "sucre d’orge"… Nous entendons d’avance les commentateurs professionnels d’un syndicalisme de grise démagogie parlant de cadeaux "supplémentaires" au Patronat…

Le second défaut est que non seulement les bas salaires marginaux, les nouveaux emplois créés du fait de cette facilité, bénéficieraient de cette déduction de charges, mais aussi, sauf contrôle renforcé, les anciens : soit une diminution de recettes des régimes sociaux qui se traduirait par une augmentation de la part du Budget de l’État engloutie dans leur financement. Le rapport Descours a calculé, pour l’année 1992, un taux de financement étatique de la protection sociale de 22 %, ce qui est certes incompatible avec le maintien de la gestion paritaire, et implique une plus grande imbrication de l’État dans le système de sécurité sociale. Il serait inimaginable de développer impunément cette tendance.

Le troisième défaut consiste à faire entièrement l’économie d’une réflexion sur le statut du travail. L’une des rares ouvertures créatives dont ait témoigné le gouvernement de M. Balladur avait pourtant été de permettre une loi, certes timide et imparfaite, mais dont l’orientation était excellente, la Loi Initiative et Entreprise Individuelle. Les travaux élémentaires dont M. Giscard d’Estaing observe que, quantitativement, ils sont éliminés par le système du salaire minimum, ces travaux seraient souvent valorisés à entrer dans le champ d’initiatives personnelles à formalités allégées, faisant l’objet de contrats de prestations de service et non de louage d’ouvrage au sens du contrat de Travail salarial.

Le quatrième défaut, bien évidemment le plus grave à nos yeux, est que ce mécanisme fait l’impasse sur les critiques que l’on est en droit de faire quant à ces prélèvements. Monsieur Giscard d’Estaing "ne perd pas son temps" à examiner la contrepartie de ces charges. Elles sont "ce qu’elles sont". Une fois de plus on ne touche pas à cette structure parasitaire que nous sommes obligés d’identifier à une nuisance.

Si en effet, comme le remarque M. Giscard d’Estaing il existe une telle différence entre ce que coûte un salarié actuellement payé au SMIC soit 8 410 F — 4 750 F = 3 660 F, il ne suffit pas seulement de penser aux chômeurs, mais à tous. Pourquoi un tel tribut du travail, pourquoi soustraire aux salariés une part si considérable de ce qui leur revient. Il devient à la mode d’assimiler ces charges "sociales" à des impôts. A-t-on seulement demandé à ces contribuables, auxquels on prend une telle part de leur revenu ce qu’ils en pensent ? Leur laisse-t-on le choix ? Est-ce cela la Justice ? Est-ce cela la Liberté ?

JG Malliarakis

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