Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives

COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 22 SEPTEMBRE 1994

SUR LE DÉBAT DU RÉGIME UNIVERSEL…

La présence au Congrès de Bayonne du président de la république a donné lieu à de furieux commentaires d’ordre politique. Ces commentaires n’étant pas de notre domaine, nous avons préféré laisser passer quelques jours pour examiner l’aspect technique du débat.

Car il y a débat. M. Mitterrand, comme Mme Veil et M. Douste-Blazy, sont allés à Bayonne donner, peut-être sans le savoir, leur caution à l’un de protagoniste du débat : le groupe de pression des Mutuelles.

Il est à cela des raisons sans doute plus profondes que le seul débat sur l’Assurance maladie, des raisons politiques ou philosophiques, des raisons d’opportunité. Mais ces raisons demeurent secondaires sur le fond de l’affaire car il s’agit de bien comprendre d’abord qu’un débat, de moins en moins feutré, oppose :

- D’une part les dirigeants des Mutuelles, ou plus exactement ceux du plus important regroupement mutualiste la Fédération Nationale de la Mutualité Française, présidée par M. Davant, successeur de M. Teulade, autour desquels s’est constitué un Groupe des Onze lequel prétend aujourd’hui, plus ou moins, "sauver" la Sécurité sociale française en prétendant le régime général de la Sécurité sociale à "tout le monde" c’est-à-dire "à tous les Français". Cette utopie est ingérable, ne serait-ce que parce qu’elle suppose que l’on réponde à la question "Qu’est-ce qu’un Français au sens de la sécurité sociale ?". Confucius expose que, quand tout val mal il faut d’abord rétablir les dénominations. Une "entreprise" par exemple cela ne veut pas dire la même chose dans le Traité de Rome, dans le langage français courant, dans le décret machin, etc. Il en sera de même pour la notion de "Français"… est-ce un résident métropolitain ?…. Et les Dom-Tom ?…. et les familles ?…. Et les expatriés ?…. Et l’Europe dans tout çà ?…. Ces questions ne sont pas des questions subsidiaires. Ce seront des questions essentielles. Non seulement pour le bénéfice des allocations familiales, mais aussi pour la fameuse question des Directives européennes, des monopoles qu’elles abolissent, mais aussi du choix des régimes : peut-on longtemps imaginer qu’un artisan portugais, lorsqu’il vient opérer sur un chantier français soit astreint au régime français… y compris pour sa retraite ? Le Régime Universel est une Utopie essentiellement nationaliste, contrairement à ce qu’imaginent, peut-être, ses promoteurs.

Ajoutons en effet que, comme la plupart des jacobins, ils ne réalisent pas eux mêmes à quel point ils sont racistes et xénophobes. Mais ils sont plus suspects encore lorsqu’ils prétendent dénoncer l’hypothèse d’un régime à plusieurs vitesses. À quoi servent en effet les Mutuelles dites complémentaires sinon à organiser un système à plusieurs vitesses, le Régime Universel ne concernant finalement que les plus pauvres, ce qui est d’ores et déjà le cas du Régime général de base lorsqu’il n’est pas assorti d’un système de compléments.

- D’autre part, il y a le petit bloc qui se constitue autour de Force Ouvrière, et qui représente les bureaucraties syndicales qui dirigent les Caisses. Celles-ci rechignent pour diverses raisons bonnes ou moins bonnes à une telle réforme qui serait financée par des contributions universelles (même Mme Veil est allée chanter ce couplet à Bayonne)… et au bout du compte amènerait à faire gérer par l’État le fameux régime universel. D’un certain sens ce serait la liquidation de la sécurité sociale française dans ce qu’elle a "d’original". Ce serait aussi, bien évidemment la fin de tous leurs avantages matériels.

Nous ne cherchons point à prendre parti. Philosophiquement le prétendu Régime Universel, lisez : raciste et nationaliste, nous paraît un monstre typiquement technocratique. Son projet ne sert qu’à maintenir la pression et à alimenter une certaine démagogie. Au lieu de défendre leur système tel qu’il est les monopolistes auront sous la main une Utopie de rechange. "La sécurité sociale serait sublime si elle était universelle" "d’ailleurs Hillary Clinton y pense" (c’est dire…). Il était "prévu" en 1945 (par qui ?….) que ce régime deviendrait "universel" et ce sont les vilains agriculteurs, les vilains commerçants et artisans, les vilains bourgeois des professions libérales qui ont tout fichu par terre, etc... Quant à défendre les gestionnaires du système actuel, même si nous reconnaissons qu’au fond ils connaissent mieux leur affaire que Mme Veil ou M. Mitterrand (il suffit de prendre connaissance de leurs déclarations discrètes lorsqu’ils ne sont plus en fonction), tout de même il ne faudra pas compter sur nous, particulièrement pour ce qui est de "nos" caisses…

JG Malliarakis

Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives