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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 9 NOVEMBRE 1994

QUE VAUT LA GARANTIE DE L'ÉTAT ?

Nous dédions ces quelques lignes à tous ceux, à tous les naïfs, qui pensent que la garantie de l'État est accordée de manière indéfinie, et suffira à couvrir les besoins des organismes de sécurité sociale, y compris les Caisses de retraites pour le jour où eux-mêmes prendront leurs retraites.

Le 11 octobre dernier le gouvernement faisait triomphalement circuler la "grande nouvelle" suivante : La trésorerie de la Sécurité sociale est "assurée"... jusqu'à fin 1994.

La trésorerie du régime général de la Sécurité sociale est "assurée jusqu'à la fin de l'année, voire début 1995", suite à un accord intervenu en septembre avec le Trésor et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), indiquait-on en effet ce jour-là, c'est à dire un mois plus tard, au ministère des Affaires sociales.

L'ACOSS — Agence centrale des organismes de Sécurité sociale —, la banque de la "Sécu", pourra donc faire "face à ses besoins journaliers et assurer le paiements des prestations" pendant les mois à venir, grâce aux avances de la Caisse des Dépôts et Consignations et du Trésor, selon le ministère.

"Le gouvernement ayant pris toutes les dispositions pour que la trésorerie de la Sécurité sociale soit assurée, de nouvelles mesures de financement ne sont pas nécessaires dans les mois qui viennent", a en outre déclaré, en octobre le ministre des Affaires sociales Simone Veil (1). Mme Veil a par ailleurs jugé "indispensable" de "poursuivre l'effort de redressement financier de la Sécurité sociale", en ajoutant qu'un déficit pérenne ne peut être envisagé".

La Commission des comptes de la Sécurité sociale, qui s'est réunie le 27 octobre, a du annoncer pour 1994 un déficit du régime général (salariés du privé) sensiblement proche de celui prévu en juillet (54 contre 56 milliards de F). La prévision de 1995 devrait se situer dans la même fourchette, selon les experts. La commission des comptes parle actuellement de 51 Milliards. Les avances du Trésor, accordées en fonction des "besoins au jour le jour" de l'ACOSS, interviennent lors du dépassement du plafond quotidien d'emprunt à la Sécurité sociale auprès de la CDC, qui avait déjà été porté en juillet de 11,7 milliards de F à 20 milliards de F. Dans son dernier rapport, la Commission des comptes avait estimé le solde réel de trésorerie de fin d'année à "quelque 51 milliards de F", compte tenu de l'excédent de 6 milliards affiché en début de l'année, en raison de la reprise par l'État de la dette de la Sécurité sociale à hauteur de 110 milliards de F. Fin 1995, si l'on tient compte des prévisions officielles c'est une nouvelle opération de ce montant qu'il faudrait encore consentir...

Pour ceux des salariés, par exemple ceux de nos entreprises, qui se préoccupent de leur retraite, signalons que l'on a appris le 12 novembre les difficultés de l'ARCCO.

L'Association des régimes de retraites complémentaires (ARRCO) a enregistré en 1993 un déficit "technique" de 2,2 milliards de F, mais un excédent global de 4 milliards de F, grâce à 6,2 milliards obtenus par les placements financiers, selon le bilan que vient de publier cet organisme. Autrement dit : la répartition ne peut plus fonctionner...

L'ARRCO se félicite dans un communiqué d'avoir ainsi "surmonté la conjoncture détestable de 1993". Mais, prévient-elle, "ce qui a été obtenu en 1993, soit par des cessions d'actifs financiers, soit par des augmentations anticipées de taux de cotisations ne peut être escompté pour 1994. Ceci explique pour partie, la non revalorisation ou la très faible revalorisation des retraites complémentaires ARRCO en 1994".

Le résultat 1993 ne prend pas en compte les dettes non payées par l'État vis-à-vis de l'ARRCO, notamment pour le financement de l'abaissement de l'âge de la retraite à 60 ans, précise l'organisme. Les partenaires sociaux, gestionnaires de l'ARRCO, estiment en effet que l'État n'assume pas la totalité de ces engagements en ce domaine. En intégrant ces charges, l'ARRCO a enregistré un déficit global de 3,9 milliards de F en 1993.

Les caisses membres de l'ARRCO versent une retraite complémentaire calculée sur la part du salaire inférieur au plafond de la Sécurité sociale (12.840 F). Certains retraités relevant de deux ou plusieurs caisses, 14 millions d'allocations de retraites sont ainsi versées à près de 8 millions de retraités.

Est-il sérieux de faire durablement confiance à ce système ? Est-il sérieux de ne pas alerter les salariés au nom desquels nous versons des cotisations très lourdes ? Est-il sérieux de ne pas s'atteler très vite à la revendication du salaire direct ?

JG Malliarakis

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(1) dans un entretien à Impact Médecin