Depuis son entrée en fonction, M. Alain Madelin, était demeuré étonnamment silencieux, et par exemple les projets économiques du gouvernement, qui devraient être de son ressort sont essentiellement présentés par M. Alain Juppé.
On attendait que M. Madelin en théorise la correspondance avec la réflexion et les convictions économiques et sociales qu'on lui connaît.
La Convention nationale, ce 21 juin, du Mouvement "Idées-Action" était l'occasion de cette prise de position. Au delà des semaines à venir, la véritable échéance sera la mise en place du projet de Loi de Finances pour 1996, arbitré durant l'été et discuté à l'automne. Lancé en 1994, "Idées-Action" compte actuellement 150 parlementaires et 12 ministres.
A la tribune on vit MM. Charles Million, François d'Aubert, Mme Chauvet, Jean-Pierre Raffarin.
M. Madelin avait affirmé l'an dernier qu'il fallait, pour "Idées-Action", "jouer gagnant lors de la prochaine échéance présidentielle"...
Ce pari politique a été gagné. Qu'en sera-t-il du pari économique ?
Ce n'était pas le lieu, certes, pour discuter l'aspect technique du projet de "Contrat Initiative Emploi", assortie du projet de "Complément d'aide à l'Emploi" que M. Juppé présentera aujourd'hui à l'Assemblée Nationale comme pièce majeure de son action "sociale". Ce dispositif risque de porter, en cas de réussite à près de 3 Millions le nombre des emplois aidés.
Il ne convient pas non plus de se satisfaire durablement de la perspective que l'État injecte 50 Milliards supplémentaires dans des programmes volontaristes.
Tout au plus notera-t-on que l'idée, fort estimable, de transformer les dépenses passives de secours aux chômeurs en dépenses actives d'incitation à l'embauche vient manifestement de l'entourage d'Alain Madelin.
En particulier elle avait été développée au cours de l'année 1994 par le directeur de la revue "l'Esprit Libre" M. Guy Sorman. On la retrouve dans le livre de M. Madelin "Mes Chers Compatriotes" comme on retrouve d'ailleurs la plupart des analyses novatrices (par exemple sur la fracture sociale) de la campagne présidentielle.
Il est amusant de voir que les commentaires connus cette nuit, et notamment la dépêche AFP n'ont retenu de l'intervention d'Alain Madelin que les 30 secondes consacrées à la situation du parti républicain, pour occulter complètement la doctrine financière et l'analyse de la situation de la France faite par M. Madelin.
Étonnant par exemple que l'on n'ait pas relevé qu'Alain Madelin se réfère logiquement aux deux grands rétablissements financiers, Pinay en 1952, Rueff-Pinay en 1958.
Mais il constate aussi que "jamais les finances de la France n'avaient été aussi délabrées".
Or, cette réalité, sans doute dérangeante pour une partie de la droite, limite singulièrement la liberté de manuvre du gouvernement. Elle explique en effet que le Ministre de l'économie et des finances, si hostile soit-il au développement des prélèvements obligatoires, considère comme un préalable l'assainissement des finances publiques.
Nous l'avons entendu développer une constatation que nos lecteurs connaissent bien
1. Le taux d'intérêt élevé est un des freins principaux à la croissance.
On constate, de plus, que le taux le plus élevé est celui que supportent les entrepreneurs indépendants...
2. Les déficits publics budgétaires et sociaux, sont une cause essentielle, avec la politique monétaire de la Banque de France, des taux d'intérêts excessifs ;
3. donc la suppression de ces déficits est une priorité du point de vue de la relance.
Mais on ne saurait se satisfaire du niveau actuel des prélèvements. Il est donc réconfortant d'avoir entendu Alain Madelin évoquer la diminution de la dépense publique, ainsi qu'une réforme de la protection sociale, en distinguant assurance et dépenses d'assistance sociale, tout en mettant en garde contre les risques du développement de l'assistanat...
Ce qui nous frappe toujours quand nous entendons Alain Madelin c'est la grande sûreté de sa doctrine et la grande clarté de ses vues.
Aura-t-il, dans les mois à venir, les moyens d'agir ?
Nous devons, sans doute, le souhaiter pour le pays. Mais, hélas, le fait de n'avoir "pas le droit" d'échouer, n'a jamais été une garantie de réussite. Notre conviction est, qu'en fait, pour qu'il réussisse et pour tout dire que le redressement de la France réussisse il faudra que certains agissent, courageusement, librement, insolemment, dans la même direction, certes, mais en situation d'avant garde.
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