... La réédition de Sociologie du communisme … Le catalogue des Éditions du Trident
Nous sommes loin d'être assurés ici que les rédacteurs de la presse des Exclus soient, par nature inspirés des meilleures références économiques. Reconnaissons cependant que les mécanismes mêmes de la circulation et de l'édition de cette presse, qui échappe aux circuits monopolistes, tant de la diffusion que de la publicité, lui permet de parler librement, ou plus librement que la presse muselée des grands médias. D'autre part, sa vocation même aiguillonne le sens critique de ses rédacteurs.
Coup sur coup, "Réverbère" de janvier et "La Rue" en février ont ainsi publié des analyses du problème de la sécurité sociale, singulièrement plus sérieuses que celles des grands technocrates qui nous gouvernent, et se piquent de penser pour nous
En janvier dans "Le Réverbère" était évoquée une question dont il est de bon ton de ne jamais parler, c'est-à-dire l'impossibilité pour les vrais indigents d'accéder aux soins hospitaliers tout simplement parce que l'Hôpital public les refoule. La charité privée a toujours eu très mauvaise presse chez nos hommes de progrès, de dialogue, de redistribution sociale, etc. La charité c'est démodé, c'est ringard, c'est catho, c'est misérabiliste, c'est rétrograde. Sans le savoir nos hommes de progrès sont des adeptes du "struggle for life", qu'ils dénigrent aux États Unis, mais dont ils ont adopté toutes les tares caricaturales, sans en comprendre les grandeurs. De la sorte, à force de décharger sur l'État, donc sur les autres, le soin d'exercer la plus élémentaire compassion, ils s'en sont libéré individuellement, au point de n'en avoir aucun souci dans les institutions qu'ils administrent.
C'est ce qui fait que l'Assistance Publique, dont on soulignera l'appellation originelle, est aujourd'hui devenu une machine grise et glacée, gestionnaire de l'économie hospitalière publique et n'ayant guère de temps pour soigner les pauvres
Très clairement perçue dans le monde des sans-abri, que l'on n'a pas mieux logés en les désignant du sigle SDF, sigle d'origine policière, cette perversion a donc amené "Réverbère" à avancer un projet rustique mais pas tellement irréaliste.
1° d'une part d'instaurer purement et simplement la gratuité de l'hôpital
2° d'autre part d'en finir avec le reste de la protection sociale qui ne protège, aux yeux de sans abris que des gens déjà très protégés, ce qui permettrait selon le même journal d'augmenter de 25 % tous les salaires.
Cette base de propositions n'est pas si éloignée de notre sentiment. Nous la trouvons en tout cas plus réaliste, et moins coûteuse que ne le sera le plan Juppé, même amendé.
Rappelons à titre indicatif que les versements de la CNAM aux hôpitaux publics sont de l'ordre de 200 milliards par an soit nettement moins que les divers concours publics aux caisses monopolistes déficitaires de la sécurité sociale.
Le numéro de février de "La Rue contient lui, dans un dossier "La Retraite il y a des maisons pour ça" des indications peut-être plus explosives encore sur la question des Retraites, qui constitue, elle aussi, un facteur extraordinaire de l'exclusion française, en dépit des gargarismes des défenseurs du système.
À vrai dire ce concept même d'exclusion, en quelques années, est devenu à la mode. Il fonctionne comme une sorte d'invocation rituelle indispensable à tout discours politique et social. On se dit contre l'exclusion comme on se dit contre le SIDA. Mais si nous ne saurions affirmer que le discours creux "anti-SIDA" soit, en lui-même propagateur de cette affreuse maladie, nous savons en revanche que la dialectique même des prétendus "adversaires de l'exclusion" est exactement propagatrice de ladite exclusion. Les activistes de Droit au Logement chaque fois qu'ils interviennent aux côtés de 37 familles de squatters style rue du Dragon, et obtiennent des pouvoirs publics une intervention arbitraire nouvelle créent probablement à terme, sans le savoir et peut-être sans le vouloir, 37 000 mal logés ou sans abri supplémentaire.
La vérité vraie est que, par définition, la sécurité sociale monopoliste constitue "la" machine à exclure, précisément ceux qui n'en bénéficie pas ; tous les mécanismes et tous les raisonnements du type "80 % de Français doivent accéder à " sont créateurs de l'exclusion ; tous les mécanismes qui se disent protecteurs, et notamment les minimums sociaux, sont les mécanismes créateurs du chômage et de la misère