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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 23 JANVIER 1996
SUR LES PRISES DE POSITIONS DE MM. CAMDESSUS ET TRICHET
Nous ne résistons pas à la tentation de citer la substance d'une récente intervention du directeur général du Fonds Monétaire International M. Camdessus, au Sénat le 20 janvier. Le directeur du FMI a souligné "la très grande inaptitude française au dialogue social", alimentée notamment par "l'insuffisance de l'information économique et sociale".
M. Michel Camdessus, énarque français de 62 ans, ancien directeur du Trésor (1982-1984) et gouverneur de la Banque de France (1984-1987) ne saurait être tenu pour un polémiste irresponsable dans notre genre.
On remarquera que ses prises de position sont encadrées de références conformistes telles que l'inquiétude qu'il n'y ait "pas en France de compromis acquis sur la fiscalité et le prix à payer pour assurer la viabilité durable de la protection sociale" et les félicitations conventionnelles adressées au gouvernement pour ses réformes des prestations sociales "courageusement entamées avec la Sécurité sociale, et qui doivent être généralisées". M. Michel Camdessus, qui est l'une des plus hautes autorités financières mondiales joue un rôle diplomatique, il n'entre pas dans le vif des dossiers.
Et puis, tant de gens croient encore sincèrement que le gouvernement a en vue un projet véritable de réforme de la sécurité sociale : qu'ils attendent par exemple le débat sur le projet de Révision constitutionnelle pour voir où on en arrivera vraiment
Il a cependant appelé à une "refonte importante de l'imposition sur le revenu".
"La protection sociale entre pour beaucoup dans le niveau élevé du chômage structurel" en France, a également observé M. Camdessus.
Le directeur du FMI a estimé que si les explications étaient suffisantes, les Français sauraient "accepter le défi".
Et sur ce point nous pensons qu'il a largement raison Car la médiocrité consternante du débat est une des choses les plus révoltantes pour les gens comme nous qui entendons tous les jours les contrevérités les plus criardes, et qui sommes contraints de payer et de nous taire. Notre cause est entendue sans que nous ayons pu parler. Notre cause est réputée mauvaise, et les lobbies traditionnels s'emploient à nous diaboliser en s'appuyant sur tous les blocages conservateurs.
"Ici, on explique moins qu'ailleurs, on a peur de certains mots comme celui de rigueur", l'État "ne dit pas grand-chose sur ce qu'il fait et pourquoi il le fait".
"Notamment il faut montrer que ce n'est pas à cause de Maastricht" que les réformes sont nécessaires, mais pour un "grand dessein", a conclu M. Camdessus.
L'insuffisante information économique Faut-il entendre par là des choses très compliquées, des raisonnements très hasardeux, des idées alambiquées ? Toute la question est là. Nous préférons, d'ailleurs, ne pas trop avoir à étudier les informations dont disposent les technocrates à propos de la sécurité sociale française. Au mieux savent-ils combien ça coûte, et encore Mais savent-ils pourquoi ça coûte si cher ? .
L'information économique est souvent beaucoup plus sainement distribuée chez les très petits entrepreneurs, moins "savants" en macro-économie et plus conscients des réalités fondamentales en micro-économie, ce qui leur donne une avance de plusieurs décennies sur la pensée unique des technocrates français pensée unique à base des sophismes qui constituent précisément la macro-économie
Mais puisque les anciens Directeurs du Trésor se mettent à philosopher dans le bon sens, pourquoi ne pas applaudir, pour une fois, à certains propos du gouverneur de la Banque de France M. Jean-Claude Trichet dans "Les Échos" du 22 janvier faisant l'apologie de l'investissement, et incitant l'État à réduire les déficits.
Il est vrai que l'homme qui a inspiré, conçu, puis imposé la folle politique monétaire des dernières années, sous Bérégovoy, sous Balladur et sous Juppé, est assez mal venu pour appeler aujourd'hui les Français à investir A-t-il jamais réfléchi au fait que les 500 milliards absorbés chaque année par les émissions de Bons du Trésor et autres Obligations d'État, à taux d'intérêt très élevés, sont un puissant moyen de dissuader l'épargne de s'investir dans l'activité productive.
Ce doit être très difficile à comprendre pour les anciens directeurs du Trésor.
Mais ceci, comme dirait Rudyard Kipling, est une autre histoire.
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