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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 26 JANVIER 1996

LE DERNIER VIRAGE AVANT LA FIN DE LA POLITIQUE FAMILIALE

N'oublions jamais, quand on parle de la sécurité sociale, de type français, qu'elle a la particularité constitutive d'associer — et hélas de confondre — des assurances sociales (maladie, vieillesse, invalidité, accidents du travail, veuvage, etc., le risque chômage en étant financièrement disjoint) avec des politiques de redistribution.

En 1989, sous le titre "Comment sauver la Sécurité sociale", M. Yvon Chotard publiait le 1er ouvrage consacré au sujet. Représentant permanent de la France au Bureau International du Travail, il avait présidé, de 1972 à 1986, la Commission sociale du CNPF. Il aura donc été l'homme clef de la gestion paritaire. Or, il soulignait, avec juste raison l'étrangeté de la confusion. Rappelons que le livre fut publié parce qu'il s'agissait au départ d'un Rapport repoussé, le 21 septembre 1988, la chose est exceptionnelle, par le Conseil économique et social. Sans doute dérangeait-il certains intérêts… On notera qu'en tête de ses opposants figurait Mme Chassagne, soutenue par la CGT, par FO et par le représentant des Mutuelles, M. Teulade. Mme Chassagne représentait les "entreprises publiques". Ancienne élève de l'ÉNA, première femme nommée préfet (en 1981) cette dame dirigeait… l'UAP. Ceci nous semble répondre à l'accusation selon laquelle nos propositions seraient l'expression du groupe de pression des assurances…

Or le mécanisme redistributeur essentiel du système français de sécurité sociale, c'est la Branche Famille. Et les 3 Branches sont financièrement solidaires…

L'évolution des 30 dernières années a vu cette Branche Famille péricliter, à la fois quantitativement et qualitativement.

Retenons, par exemple, qu'entre 1960 et 1988 les dépenses maladie étaient multipliées par 52 et les dépenses vieillesse par 65, mais les dépenses des allocations familiales ne l'étaient que par 24. Et l'on continue de piller la Branche Famille…

Il appartient certes aux démographes, comme aux économistes, de s'interroger à la fois sur l'efficacité des dépenses d'allocations familiales du point de vue, par exemple, de la natalité au strict plan quantitatif. Il est probable, qu'après avoir été fort efficaces, en apparence, dans la période d'après guerre, les allocations familiales ont cessé de jouer le rôle pour lequel elles ont été prévues : l'encouragement à la natalité française.

Il reste que cette institution est ressentie comme l'indispensable pilier de l'accord sur lequel le système de sécurité sociale reposait, depuis 1945.

On se reportera, pour en mesurer la portée historique, à l'éditorial de Maurice Schumann, dans le numéro 1 de l'hebdomadaire du MRP en date du 10 février 1945, texte intitulé "le Grand Parti de la famille française".

Les gens qui nous serinent l'historique de la Sécu comme pure création du seul général De Gaulle (le décret d'octobre 45 était signé d'A. Parodi) ne devraient pas oublier l'équilibre instable et l'alchimie fragile d'une époque marquée par le désir de redresser la France.

Sans aucune prudence le gouvernement de M. Juppé envisage donc, purement et simplement, de remettre en cause cette donnée du pacte national.

Ceci nous semble exactement aussi imprudent que lorsque MM. Savary et Bayrou, alternativement, ont donné le sentiment qu'ils rallumaient, chacun dans leur sens, la guerre scolaire. C'est "plus qu'un crime, une faute…"

Cette erreur donne l'impression de ne pouvoir s'expliquer que par l'effondrement financier de l'État et de la sécurité sociale.

L'offensive prendra la forme d'une prochaine prétendue Conférence sur la Famille, en mars, où l'on prétendra explorer diverses pistes liquidant la politique familiale de 1945.

Liquidation du quotient familial, aujourd'hui pourtant plafonné, mais dont la CFDT trouve encore qu'il "favorise trop les familles aisées" ;

Soumission des diverses prestations familiales à des critères de revenu, ce que contestent la CFTC et l'UNAF, etc. à défaut de leur fiscalisation…

Tout en paraissant un peu éloigné de notre combat pour la Liberté de la Protection sociale, naturellement axé sur le libre choix des assurances Maladie et Vieillesse, cette évolution de la Branche Famille, revêt donc une importance capitale pour la légitimité de la sécurité sociale.

Nous devons en être conscients.

JG Malliarakis

 

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