Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder à notre Moteur de recherche

COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 1er FÉVRIER 1996

NOMINATION D'UN NOUVEAU DIRECTEUR DE LA SÉCURITÉ SOCIALE…

L'apparition d'un nouveau Directeur de la Sécurité sociale, M. Raoul Briet remplaçant, à la tête du monstre, Mme Ruellan, prouve un certain nombre de choses, dont nous voudrions prendre acte.

Tout d'abord par sa discrétion de violette, cette information, à laquelle Les Échos (du 31 janvier) consacrent quelques lignes modestes et sobres en page 4, prouve qu'on s'intéresse toujours plus aux michelines qui déraillent qu'aux exprès qui arrivent en retard. Les trains qui arrivent à l'heure, cela n'existe plus. Avec un budget de 2 000 milliards et 3 % de déficit annuel global, la protection sociale est beaucoup moins spectaculaire que le budget de l'État qui représente 1 600 milliards de dépenses et 20 % de déficit. Or l'État en ce moment a la prétention d'absorber la sécurité sociale, et il vient de lancer le 7e plan Juppé en 7 mois et 2 gouvernements à l'enseigne de M. Juppé. Il paraît que ce plan est le symétrique du plan allemand, basé lui sur la diminution des impôts et la diminution des interventions arbitraires de l'État. Vérité au-delà du Rhin, erreur en deçà, M. Juppé ce 1er février augmente les impôts (exactement 0,8 points de prélèvements nouveaux à Paris..) et augmente les interventions arbitraires de l'État… On reconnaît là le principe même de la symétrie.

Ensuite M. Juppé, se révèle expert en l'art du commandement en remerciant Mme Ruellan. Cet euphémisme typiquement français s'utilise pour dire, précisément, qu'il ne la remercie guère. Il en fait un conseiller-maître à la Cour des comptes. Voila qui ressemble à un désaveu en pleine bagarre. Mme Ruellan passe pour l'une des inspiratrices de son fameux plan. C'était le 5e, celui du 15 novembre, destiné, celui-là à "sauver la sécurité sociale". On s'efforce maintenant de faire semblant de l'appliquer en lui laissant son dernier œil pour pleurer : l'institution du RDS à hauteur de 0,5 % des revenus.

D'autre part on remarque que, comme Mme Ruellan, M. Briet exerçait jusqu'ici la fonction de directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. C'est là une tâche fort intéressante exercée par un haut fonctionnaire, car ce n'est pas la CNAV qui lui versera sa pension. Il peut donc en toute impunité rédiger des rapports comme celui qui fut destiné au Plan, et qui continue d'affirmer que c'est la Retraite par répartition qui assurera encore, au XXI° siècle les vieux jours des Français. Et comme on dit, il en sera ainsi "dans les siècles des siècles", puisque la France est éternelle et que tout cela constitue l'identité de la France, dont le dogme a été affirmé que le 4 octobre 1995 en Sorbonne par le chef de l'État que les pays riverains du Pacifique nous envient.

L'erreur la plus courante, à propos de la Sécurité sociale, est de se borner aux problèmes de l'assurance maladie, les seuls que l'on évoque en général dans le public. Les meilleurs auteurs n'y échappent pas. Ils sont pour la plupart issus du corps médical, la seule profession — en dehors de quelques cadres des grandes centrales syndicales impliquées dans la gestion paritaire, — à se trouver confrontée à la sécurité sociale, qu'elle voit, professionnellement, sous l'angle de la Maladie.

Ce qui caractérise en effet la sécurité sociale française c'est la solidarité financière des 3 branches : Maladie, Vieillesse et Famille.

Or cette solidarité, comme d'ailleurs ce qu'on appelle la compensation, cela fausse tout.

La réforme de Mme Veil en juillet 1994 venait après une purge financière imposée sans heurts en juillet-août 1993. Ces mois étaient plus propices, sans doute, que novembre 95. Malgré la grogne des centrales syndicales, elle renforçait l'autonomie financière et la responsabilisation théorique des branches, sans supprimer, hélas, la compensation et le mécanisme qui voit le Régime général ponctionné, pour ne pas dire cannibalisé, par les régimes les plus déficitaires.

Le choix systématique aura, depuis 1945, défavorisé la Branche Famille au profit de la Retraite. En 1995, la caisse d'allocations familiales aura versé 237 milliards de prestations, la Caisse maladie 590 milliards dont 43 au titre des accidents du travail et la Caisse vieillesse 344 milliards. Pour pouvoir comparer à populations égales les différentes branches, il faut ajouter aux chiffres de la caisse vieillesse, les pensions versées par l'État à ses fonctionnaires, soit environ 170 milliards, et envisager de considérer les sommes versées par les caisses complémentaires obligatoires agirc et ARRCO…

On comprend alors que le problème de la Retraite est aussi grave que celui de la Maladie. Et plus tard on consentira à le résoudre, plus coûteuses et douloureuses en seront les issues.

Les gens comme Mme Ruellan et M. Briet seront alors de ceux qui partageront, autant que M. Juppé, la responsabilité du désastre.

JG Malliarakis
© L'Insolent

Accéder à nos archives ... Utiliser le Moteur de recherche

    Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis • en souscrivant un abonnement payant