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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 5 FÉVRIER 1996
LE POT AUX ROSES DANS LES TROUS DU GRUYÈRE
Vendredi 2 février Mme Marie Lucie Procolam présidente de "la Mutuelle complémentaire" faisait part à la presse des récriminations, à l'endroit de la Sécurité sociale, de son émouvante institution, statutairement presqu'aussi désintéressée que l'ARC, puisque cette dernière se réclame de la Loi de 1901, cependant que le droit mutualiste, lui, est issu de la grande tradition et de la Loi de 1850. L'important, fiscalement, est de pouvoir se prévaloir du caractère "non lucratif" qui impressionnait tant, en 1992, le cher procureur Tesauro.
Statutairement, l'organisme présidé par Mme Procolam, s'intitule "mutuelle complémentaire de la Ville de Paris, de l'Assistance publique et des administrations annexes". Son siège social est à Paris, 3e, 52 rue Sévigné. Et comme son nom l'indique, la "Mutuelle Complémentaire", couvre quelque 100 000 personnes parmi lesquelles des fonctionnaires municipaux de la ville de Paris, qui se trouvent être plus nombreux que ceux de la Commission de Bruxelles, mais aussi des personnels de l'Assistance publique et de plusieurs ministères.
Comme on va le voir, et contrairement à ce qu'un vain peuple pourrait penser, ce type de couvertures ne porte pas seulement sur les prestations dites complémentaires, ainsi définies par le fait que, comme chacun le sait, la sécurité sociale à la française, système inimitable, et comme on dit "indémodable" ne saurait rembourser ni au premier franc ni à 100 % de son propre barème.
De la sorte, la sécurité sociale monopolistique à la française génère elle-même un marché, aussi factice économiquement qu'il est pervers juridiquement, le marché de la protection sociale dite complémentaire. Et l'attribution de ce marché semble être dévolue, sinon de droit divin, horresco referens du moins de droit républicain, laïc et obligatoire aux mutuelles dites "non lucratives".
Mais, comme dit Tartufe (Acte III, Scène 3) "Mon sein n'enferme pas un cur de pierre" et "on peut être dévot, on n'en est pas moins homme"
Et on va voir comment les mutuelles complémentaires vivent au dépens de la protection sociale de base. Dans ce marché elles interviennent aussi systématiquement que discrètement, sur une base juridique tout à fait floue, tirée par cet obscur article L 288 du Code de la sécurité sociale qui disposa que "la part garantie par la Caisse primaire peut être remboursée à l'organisme ayant reçu délégation de l'assuré". Cette disposition a été ainsi à l'origine de l'institution de ce que l'on appelle le "tiers payant" lequel permet ainsi aux mutuelles de se nourrir des trous du gruyère
Car, comme semblait l'ignorer le procureur Tesauro, qui ignore aussi notre Molière national, ses précieuses ridicules, ses malades imaginaires et ses faux dévots, "on peut être non lucratif on n'en est pas moins fort coûteux"
La "Mutuelle complémentaire" se dit ainsi victime d'un "étranglement financier" qui risque de l'obliger à licencier du personnel.
La Mutuelle Complémentaire gère en effet un centre de Sécurité sociale, le centre 602. Et elle se plaint de voir la Caisse primaire de Paris réduire d'année en année les dédommagements qu'elle lui verse sous le nom de remises de gestion,
Les gestionnaires mutualistes non-lucratifs se plaignent de devoir "financer en partie le fonctionnement du centre de Sécurité sociale", car les remises de gestion versées par la CPAM sont, affirment-ils, inférieurs aux coûts de fonctionnement qui seraient à la charge de l'assurance maladie.
Les inégalités dans l'attribution des remises de gestion traduiraient la volonté politique de peser sur leurs capacités de fonctionnement en les plaçant devant l'alternative de : licencier ou perdre leur habilitation à gérer un centre de Sécurité sociale
Scandale en effet ! . nous dit-on, "la CPAM de Paris tente de nous imposer des remises de gestion inférieures de plus de 30 %", se plaint Mme Procolam. À la CPAM de Paris, le directeur-adjoint de la Santé, M. Christian Diepdalle, assure de son côté, que sa caisse va négocier avec chaque mutuelle les remises de gestion vers la fin février ou début mars, en tenant compte de la nouvelle réglementation.
À suivre, n'est-ce pas
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