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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 14 FÉVRIER 1996

UNE HÉRÉSIE PROPAGÉE PAR "LA CROIX"

Que nos amis lecteurs se rassurent. De même qu'il nous paraîtrait indécent de faire grief à M. Miot de ses convictions philosophiques, de même il ne sera jamais question ici de froisser les sentiments religieux, quels qu'ils soient, de ceux qui nous lisent et qui sont attachés, comme nous, à la Liberté.

L'hérésie que nous relevons dans "La Croix" du 13 février n'a rien à voir avec la prise de position des évêques français à propos du SIDA, de sa propagation et de sa prévention…

Elle concerne, en effet, la réforme de la protection sociale aux Pays Bas.

Comme nous l'avons rappelé dans notre bulletin du 12, la réforme de l'assurance maladie aux Pays Bas a été annoncée par le gouvernement socialiste de M. Wim Kok le 28 avril 1995. Elle a été votée à la Chambre haute dans la nuit du 6 au 7. La majorité était composée des libéraux et des sociaux démocrates, ayant contre eux les communistes et les partis religieux… la Réforme porte, non sur les soins, mais sur les indemnités journalières qui seront désormais à la charge de l'entreprise, et non plus de l'État. Cette privatisation s'accompagne, comme nous l'avons souligné, d'une durée plus longue d'indemnisation passant de 6 à 12 mois. Donc un progrès social. De plus, il s'agira en même temps d'un évident progrès économique évalué dès maintenant aux alentours de 2,7 milliards de F pour les Pays Bas du fait de la diminution présomptible de l'absentéisme.

Cette réforme choque le quotidien "La Croix" en la personne de sa rédactrice Sophie Perrier, "Dans la réalité, écrit-elle sans rire, cette réforme poussera les employeurs, soucieux d'éviter les dépenses entraînées par les maladies de leurs employés, à trier sur le volet leurs futurs collaborateurs. Ainsi, la loi devrait-elle entraîner une augmentation des contrats à durée déterminée, des missions d'intérim et des… contrôles médicaux à l'embauche". Quel extraordinaire détournement du réel que de prétendre décrire de la sorte "dans la réalité", un danger qui existe dans l'imaginaire de Sophie Perrier et d'un groupe de pression présenté, par elle, comme étant "composé de syndicats, de l'Ordre des médecins, d'organisations d'assurés sociaux, de PME et des handicapés". Cet émouvant assemblage hétéroclite a fait passer dans la presse néerlandaise de grands encarts payants, démarche caractéristique de groupes "désintéressés" peut-être mais, aussi, obligatoirement fort argentés…

"La crainte, nous assure La Croix, n'en est pas moins grande de voir les personnes à santé fragile ou ayant un quelconque handicap devenir incapables de trouver un emploi."

Nous voilà au cœur de l'hérésie.

D'abord on n'a pas attendu ce type de réforme, à l'embauche, pour se préoccuper, d'une manière ou d'une autre du risque que fait courir à l'entreprise, à l'atelier ou au service, le recrutement des professionnels de l'arrêt de travail.

On soulignera que c'est justement la fausse protection systématique de certains qui développe la tendance redoutée par Sophie Perrier à une "augmentation des contrats à durée déterminée, des missions d'intérim et des contrôles médicaux à l'embauche". Ce qu'on appelle, de manière si ambiguë, la "précarité" est une conséquence des excès du Droit du travail.

La précarité se développe ainsi dans les secteurs aux statuts les plus protégés et le plus protecteurs… pour les titulaires. Le meilleur, ou le pire, exemple, est celui de l'Éducation nationale où la précarité du statut des auxiliaires est exactement proportionnelle à l'inamovibilité des maîtres. Grâce au statut de la fonction publique — et non malgré lui

Au Pays Bas la précarité sera donc la conséquence, non pas de la privatisation, mais de l'avancée sociale constituée par l'allongement de la durée des indemnités journalières…

Mais un point scandaleux figure dans le raisonnement publié par "La Croix" sous la signature de Sophie Perrier, elle-même probablement trompée par la propagande des bureaucraties. C'est l'idée que les entreprises, couvertes par une assurance maladie concurrentielle, pourraient de ce fait discriminer pour raison de Santé non pas à l'embauche mais finalement à la souscription du contrat d'assurance. En effet, non seulement une telle pratique est contraire au Droit des assurances et à la souscription des contrats de groupe. Mais nous devons rappeler, aussi, que cette hypothèse est explicitement interdite par la Directive européenne 92-49 définissant les principes de l'assurance maladie concurrentielle en Europe. "La Croix" est donc ici dans le domaine caractéristique du fantasme et de l'hérésie…

JG Malliarakis
© L'Insolent

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