Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... Accéder à notre Moteur de recherche

COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 20 FÉVRIER 1996

LA CROISSANCE, LE BUDGET ET LA SÉCU

À l'heure où ces lignes sont écrites, le vote de la Révision constitutionnelle est, bien entendu, hélas, acquis. Nous ignorons cependant quels députés, au sein de la Majorité, auront eu le courage de la refuser.

Un tel courage est sans doute en partie inutile, d'ailleurs, car l'adoption du principe d'une Loi annuelle d'équilibre de la sécurité sociale pourrait fort bien ne conduire strictement à rien. Par exemple la dernière loi adoptée en matière de Sécu, la Loi de Mme Veil en date du 25 juillet 1994, dans ses dispositions fondamentales n'a pas été appliquée :

1° L'autonomie des branches n'existe même pas sur le papier.

2° La responsabilisation des Caisses est un vain mot.

3° Le remboursement, par l'État, des exonérations instituées par lui, n'est pas entré dans les faits.

4° Le parlement ne s'est toujours pas prononcé sur le rapport spécial de la Cour des comptes du 21 septembre 1995. On a même forcé le retrait d'une proposition reprenant la constante recommandation de la Cour des comptes, depuis 1952 et réaffirmée en 1995, tendant à la normalisation comptable des organismes de sécurité sociale.

Partons de cette dernière carence. Sans normalisation comptable, comment imaginer donner la moindre chance de sérieux à une Loi d'équilibre financier ? On a donc révisé la Constitution exclusivement pour la galerie. On croit ainsi peut-être tromper les marchés financiers internationaux si peu enclins, depuis 1994, à absorber les titres obligataires émis par le Trésor français, achetés à plus de 80 % par des investisseurs institutionnels français. Ceux-ci les revendent, sans honte, sous forme de produits d'épargne vieillesse ou d'assurance vie, à des Français inquiets pour leurs vieux jours…

On doit bien comprendre un aspect inquiétant de cette dérive de l'État, incapable de gérer et de prévoir son budget, et cependant résolu à le multiplier par 3…

Car le Budget 1996 de l'État a été proposé et voté sur la base d'un taux de croissance de 2,8. Ce taux était affirmé comme étant prudent et raisonnable par M. Arthuis le 21 septembre 1995. Notre austère, et fort ennuyeux, ministre de l'Économie et des Finances se gaussait des diverses mises en garde quant aux prévisions de croissance — mises en garde émanant par exemple de l'OCDE. Le 6 décembre, lors de l'examen de la Loi de Finances rectificative pour 1995, il reconnaissait la nécessité de revoir à la baisse les prévisions pour 1995. Celles-ci n'étaient pas les siennes mais celles de M. Sarkozy. Mais il refusait encore de suivre M. Philippe Auberger, rapporteur général du Budget, et d'admettre pour "infiniment peu probable" le taux de 2,8… Tout au plus ce taux "pourrait être revu"… Et puis les choses vont s'accélérer. M. Lamassoure au début février parle de 2 %. Quelques jours plus tard on parle de 1,5 %. Le CNPF, quant à lui, envisage purement et simplement une récession.

Cette récession, cette stagnation ou cette moindre croissance, aura évidemment ses répercussions sur le Budget de l'État, et bien entendu sur sa partie Recettes. Au bout du compte, la prévision d'un déficit inférieur à 300 milliards est totalement irréaliste. La chose est grave car les prévisions budgétaires françaises sont fausses depuis plusieurs années et cependant personne n'envisage de mettre à la porte les prévisionnistes officiels.

En ce qui concerne la Loi dite d'équilibre de la sécurité sociale, la fausseté des prévisions est encore plus grave. En effet, l'objet de la Loi de Finances et du Budget de l'État n'est pas principalement l'équilibre des comptes. L'État a la prétention de construire des routes, de faire fonctionner des écoles, d'entretenir de régiments, de dispenser la justice et d'assurer l'ordre public. Le fait-il correctement ? Voilà la première question que se posent la majorité des citoyens. Mais la loi d'équilibre de la sécurité sociale a une tout autre fonction : elle constate que les partenaires sociaux ne parviennent pas à équilibrer le budget de la protection sociale en déficit de 60 milliards malgré quelque 350 milliards de subventions et concours divers. L'État prétend parvenir, lui, à cet équilibre. Ainsi M. Juppé parlait-il fièrement le 15 novembre 1995 de 17 milliards pour 96, puis d'un déficit 0 pour 1997 !!!

Comme son nom l'indique, la loi d'équilibre n'a de sens, que si elle aboutit à l'équilibre.

Puisqu'elle n'aboutira pas à l'équilibre, cette loi n'aura donc aucun sens.

Et la révision constitutionnelle non plus.

Nous sommes donc fondés à suggérer, par conséquent, que les frais du petit Impromptu de Versailles du 19 février 1996, soient facturés et partagés entre ses initiateurs…

JG Malliarakis
© L'Insolent

Accéder à nos archives ... Utiliser le Moteur de recherche

    Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis • en souscrivant un abonnement payant