COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 1er JUILLET 1997
POUR L'ENREGISTREMENT INTERNATIONAL DES MARQUES ARTISANALES, COMMERCIALES ET AGRICOLES FRANÇAISES
300 000 exploitations agricoles françaises sont concernées
Le Sénat, le 24 juin, devait examiner la Convention sur l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques. Cette Convention avait été acceptée par l'Assemblée Nationale sortante le 6 mars.
Cette question est, évidemment, de la plus haute importante pour des centaines de milliers de petits producteurs artisanaux et familiaux français dont la "marque" n'est absolument pas protégée:
Ni sur le plan français, pour des raisons liées à l'idéologie productiviste et aux pratiques de certains magouilleurs particulièrement dans la nomenklatura agricole;
Ni sur le plan international par l'État français.
Rappelons par exemple que 300 000 exploitations agricoles françaises sont concernées par ce dossier.
On doit toujours rappeler, aussi, que c'est seulement l'introduction, en 1993, dans la Loi française d'une Directive européenne, adoptée sous la pression des pays latins (Italie, Espagne, Portugal) contre les pays d'agro-alimentaire industriel du nord de l'Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas) qui est parvenu à imposer, dans l'intérêt tout particulièrement des Français, des agriculteurs français, des artisans français, des producteurs français de qualité plus encore que de l'industrie du luxe, capable de se défendre elle-même, de bénéficier du droit des marques.
On doit également comprendre que ce droit est à la fois essentiel et suppose une définition précise et claire. Qu'est-ce qu'un saucisson ? Question absurde ? ne dites jamais cela à un Lyonnais ! Qu'est-ce qu'un couteau de Laguiole ? etc. Réponse complexe, dès lors que l'on sait qu'un groupe de producteurs de cette jolie petite ville auvergnate était traditionnellement "en froid" avec la principale firme, l'excellente Maison Calmels, fondée par l'inventeur de la dénomination laguiole, la marque collective les remarquables lames Calmels étant produites à Thiers...
Dans la vie de tous les jours de nos professions et de nos entreprises, ce distinguo juridique et commercial fondamental, sur la marque et l'enseigne se révèle permanent, avec des incidences financières, patrimoniales, et économiques considérables.
JGM
Sénat. Séance du 24 juin 1997.
Convention sur l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques.
M. LE PRÉSIDENT. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un protocole relatif à l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques.
M. MOSCOVICI, ministre délégué chargé des Affaires européennes. Les droits de propriété intellectuelle font l'objet de nombreuses conventions internationales dont la dernière est une annexe à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce.
Parmi ces droits, la marque est, pour les entreprises, un instrument essentiel de leur stratégie commerciale.
Il importe de simplifier les procédures qui leur permettent de les protéger sur les marchés étrangers.
Les entreprises françaises disposent déjà de l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques du 14 avril 1891, dont la France, devenue membre en 1892, est un État fondateur.
Cet accord permet de protéger une marque dans plusieurs pays au moyen d'une seule demande internationale transmise à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (O.M.P.I.). Les titulaires de marques françaises y ont largement recours : ils ont présenté 3 950 demandes internationales en 1995, soit 20,62 % de l'ensemble des enregistrements internationaux, ce qui situe la France en deuxième position juste derrière l'Allemagne.
Toutefois, l'extension de l'arrangement à de nouveaux États, parmi lesquels des États industriels importants tels que la Grande-Bretagne, les États-Unis ou le Japon, se heurtait au refus de ces derniers d'en accepter certaines dispositions. L'acquisition d'une protection dans ces pays supposait donc d'accomplir les formalités exigées par leur législation nationale.
L'O.M.P.I. a donc entrepris la rédaction d'un protocole à l'arrangement de Madrid. Ce protocole, signé le 27 juin 1989 et qui vise à lever les obstacles s'opposant à l'extension de l'arrangement, est ouvert à la ratification des États tiers et des États membres de l'arrangement.
Parmi les modifications, trois concernent des questions de procédure et une les émoluments rétrocédés aux États membres par l'O.M.P.I.
En premier lieu, le dépôt de la demande internationale peut être fondé sur une simple demande d'enregistrement et non plus seulement sur une marque enregistrée. Cette faculté résout les difficultés rencontrées par les entreprises dans le cas des procédures d'enregistrement trop longues.
Ensuite, le délai d'examen de la demande par les administrations nationales est allongé. Un an paraissait en effet trop bref.
La troisième modification est des plus importantes. L'arrangement permet, par " l'attaque centrale " sur la marque de base durant ses cinq premières années d'existence, d'anéantir les effets de la marque internationale dans tous les pays désignés.
Dans ce cas, le protocole prévoit la transformation de l'enregistrement international radié en autant de demandes nationales qu'il y avait de pays ou groupes de pays désignés.
Pour ce qui est de la disposition financière, elle va permettre aux États dont les offices de propriété industrielle perçoivent des taxes de procédure plus élevées que la moyenne mondiale de recevoir, au lieu des émoluments forfaitaires fixés par l'O.M.P.I., la taxe dite individuelle équivalente à leur taxe nationale.
Ces modifications ont porté leurs fruits car 17 États sont déjà membres du protocole dont six n'étaient pas membres de l'arrangement de Madrid, le Danemark, la Finlande, l'Islande, la Norvège, le Royaume-Uni et la Suède. Parmi les États qui sont déjà parties à l'arrangement, on trouve l'Allemagne, l'Espagne, la Chine, Cuba, Monaco, la Pologne, le Portugal, la République populaire démocratique de Corée, la République tchèque, la Suisse et la Russie. Le protocole est, de ce fait, en vigueur depuis le 1er décembre 1995, et effectif depuis le 1er avril 1996. Au total, 52 États sont membres de l'un ou de l'autre des deux instruments.
Le protocole a également pour objectif d'établir des liens avec le système d'enregistrement de la marque communautaire en vigueur depuis le 15 mars 1994. C'est pourquoi il pré 7 8 9 N° 83 Mardi 24 juin 97 voit la possibilité pour certaines organisations intergouvernementales de devenir partie au protocole. L'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (O.H.M.I.) est dans ce cas ; ainsi, une marque communautaire pourra servir de demande ou d'enregistrement de base pour une extension internationale ; en outre, les territoires couverts par la marque communautaire pourront être désignés en bloc dans un enregistrement international.
L'articulation à venir entre le protocole de Madrid et la marque communautaire sera d'un grand intérêt pour les entreprises françaises, qui pourront alors adapter leur stratégie de dépôts de marques en fonction de leurs besoins.
Telles sont les principales dispositions de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes.)
M. LOMBARD, rapporteur. Le protocole adopté le 27 juin 1989 concerne l'enregistrement international des marques, qui permet à un déposant de marque d'en obtenir la protection dans les pays qui participent à l'accord multilatéral, sans qu'il soit nécessaire de solliciter, par une procédure particulière, la protection de la marque dans chacun de ces pays. Cet enregistrement était jusqu'à présent régi par un traité de 1891, appelé arrangement de Madrid, et administré par l'O.M.P.I., mais seuls 51 États l'avaient ratifié.
Si la France a adhéré dès 1892, des pays aussi importants que les États-Unis, le Japon ou le Royaume Uni en sont restés à l'écart depuis plus d'un siècle ; pour obtenir la protection d'une marque dans ces pays, il faut recourir à des procédures de dépôt spécifiques.
C'est pour encourager l'adhésion de tels pays qu'a été élaboré le protocole de 1989, qui définit un nouveau système international d'enregistrement des marques, plus souple sur les points qui suscitaient les réticences de nombreux pays non membres. C'est ainsi que la demande d'enregistrement international pourra désormais être effectuée avant l'obtention de l'enregistrement national, dès lors que celui-ci a été demandé, ce qui accélérera considérablement les procédures. De même, le délai laissé à un office national pour examiner les demandes de protection pourra être porté, si l'État contractant le souhaite, à 18, voire à 25 mois. En outre, le lien entre l'enregistrement international et la marque de base pendant cinq ans est assoupli. Si l'enregistrement international vient à être résilié suite à une radiation dans le pays d'origine, un enregistrement sera alors automatiquement demandé dans les différents pays couverts, afin de maintenir la protection dont la marque bénéficiait dans ces pays. En matière de droits, les parties pourront préférer à la taxe uniforme un système de taxe individuelle qui apportera aux offices nationaux des recettes supérieures à celles actuellement prévues par l'arrangement de Madrid. Le protocole tire enfin les conséquences de la création d'un système de protection des marques au sein de l'Union européenne. Les organisations intergouvernementales, dont l'O.H.M.I., pourront être parties au protocole.
Le présent protocole ne se substitue pas à l'arrangement de Madrid : les deux systèmes coexisteront.
Les parties contractantes de l'un ou l'autre texte seront membres d'une même union, appelée union de Madrid, qui comportera donc trois catégories de pays : les États parties au seul arrangement de Madrid, les États parties au seul protocole, et les États parties aux deux instruments, dont la France. Une clause de sauvegarde précise l'articulation entre les deux systèmes : lorsque l'enregistrement international de la marque émane d'un pays partie aux deux instruments, ses effets sont régis par l'arrangement de Madrid sur le territoire des États parties à cet arrangement, et par le protocole sur le territoire des États parties au protocole. Telles sont les principales dispositions de ce protocole qui a déjà été ratifié par neuf États, et qui est entré en vigueur le 1er janvier 1995.
La France a quelque peu tardé à engager sa ratification dans l'attente, semble-t-il, de la mise en place du système communautaire de protection des marques. Il faut maintenant aller de l'avant, car les Français sont les principaux utilisateurs de l'arrangement de Madrid.
Le présent protocole doit permettre à nos marques d'acquérir dans des conditions simplifiées un droit exclusif dans un nombre plus important encore de pays. Reste à convaincre certains pays, et non des moindres, comme les États-Unis.
La commission propose l'approbation de ce texte, adopté par l'Assemblée nationale le 6 mars dernier.
La discussion générale est close. L'article unique du projet de loi est adopté.