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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 11 FÉVRIER 1998

QUE PENSER DES RÉGIMES DE RETRAITES DES PROFESSIONS LIBÉRALES ?

L'élévation de la CSG à 7% du revenu, en fait une sorte d'impôt uniforme sur le revenu. Son rendement global sera supérieur à celui de l'ancien IRPP progressif. Logiquement, cela devrait donc aboutir à la suppression pure et simple des caisses de retraites des professions libérales.

Globalement les 430 000 membres des professions libérales payent déjà, au moins 2 fois (en réalité ils payent 4 ou 5 fois) pour la solidarité sociale, notamment :

1/ Ils supportent un impôt personnel progressif largement supérieur à celui des autres professions ;

2/ Leurs caisses servent essentiellement à payer la compensation inter-régimes.

Les deux points devraient suffire. Mais on pourrait ajouter à cela l'impact de la Taxe professionnelle et même celui de la TVA. Celle-ci n'alimente que partiellement, via le Budget général, (on peut dire que 22 % des recettes fiscales y concourent) les caisses sociales. Tout cela contribue à forger l'enfer fiscal français.

Au plan des principes, deux objections majeures rendent la notion même de Retraite, au sens commun du terme, parfaitement inapplicable aux professions libérales.

1ère absurdité : la limite d'âge d'exercice est parfaitement variable et imprévisible. De la sorte, toutes les dispositions relatives à la Retraite par Répartition sont bâties sur du sable. Les autres régimes se trouvent aujourd'hui pénalisés pour avoir été incapables, à l'évidence, de prévoir l'allongement de la durée de vie, et encore moins d'absorber la stupide mesure malthusienne et démagogique de la retraite à 60 ans, cette erreur fatale des années 1981-82 dont la loi des 35 heures est la continuatrice. En général, les caisses de retraites françaises doivent verser des pensions viagères et des pensions de réversion sur une durée trop longue.

Au contraire, les caisses des professions libérales escroquent, sinon littéralement, au moins mathématiquement, les professionnels amenés à travailler très au-delà de l'âge théorique.

2ème absurdité : par définition, l'épargne personnelle et professionnelle est la règle véritable de l'assurance vieillesse d'un professionnel libéral et d'un entrepreneur individuel. La contrainte de la répartition n'a pour fonction que de masquer un système de compensation extrêmement coûteux. Les 13 caisses corporatives des professions libérales sont globalement coiffées, depuis 1948, par la CNAVPL. Son président national est M. Lucien Culine. La CNAVPL transfère à la compensation générale, à sens unique, 2,6 milliards soit 43 % des 6 milliards de cotisations perçues par le régime de base.

Pratiquement ce système équivaut donc à un impôt de solidarité égal à 43 % des cotisations de base, variables, prélevées par les caisses professionnelles. Un tel reversement représente de 6 % du revenu.

Ce reversement de solidarité de 6 % fait ainsi double emploi avec la CSG de 7 %.

Il va devenir moralement insoutenable dès lors que les instances corporatives, et surtout l'opinion professionnelle en auront pris conscience, ce qui viendra très vite.

Bien entendu, les situations respectives des diverses caisses corporatives doivent aussi être examinées au cas par cas. Mais il serait fallacieux de croire qu'elles s'en sortiront isolément.

1er exemple : la Caisse nationale des Barreaux français.

Cette caisse est atypique. Depuis 1954, elle est séparée de la CNAVPL. Elle est la seule en France à avoir lié réglementairement l'exercice de la profession au paiement des cotisations. Ce lien ne résistera pas à la disparition probable des privilèges de juridiction dans le cadre du libre exercice européen.

Pour l'instant, un avocat ne peut pratiquement pas cesser de cotiser à la CNBF.

Mais celle-ci, aujourd'hui florissante du fait de l'élargissement numérique des barreaux, de l'allongement de fait de l'exercice professionnel très au-delà de 60 ans !, et, enfin de l'absorption des conseils juridiques par la profession d'avocat ne résistera pas à l'évolution. Relevons que sur 0,617 milliards de cotisations de base, 0,281 milliards vont à la surcompensation…

2ème exemple : la Caisse autonome retraites des médecins français.

Curieusement, la réaction aux anomalies et aux monstruosités juridiques des retraites des professions libérales est venue non pas des avocats et des ex-conseils juridiques mais des médecins.

En 1997, le mouvement protestataire SOS Retraite Santé a remporté les élections à la CARMF au printemps et porté à l'automne le Dr Gérard Maudrux à la présidence de la Caisse. Celui-ci a pu très vite faire état de distorsions scandaleuses. Malgré le silence médiatique, on peut espérer aujourd'hui que la connaissance de ces situations pourrait constituer, sinon le socle unique, du moins l'un des affluents de la contestation du système pour toutes les professions libérales, pour toutes les entreprises individuelles et pour tous les travailleurs indépendants. Nous nous y emploierons.

JG Malliarakis
© L'Insolent
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