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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALEs

VENDREDI 13 FÉVRIER 1998

LES 19 SCANDALES PLUS 1 DE LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE

À la veille de l'été 1997, on annonçait, tel un coup de tonnerre, qu'un épouvantable scandale allait éclabousser la Mutualité Sociale Agricole. Cette étonnante institution, mélange de corporatisme vichyssois pur et dur et de collectivisme des années 1950, gère, contrairement à tous les autres organismes sociaux l'intégralité de la protection sociale obligatoire du monde rural. C'est, à elle seule, une sécurité sociale fermée couvrant à la fois la maladie et la vieillesse, des exploitants agricoles comme des salariés.

Le système lui-même s'affirme comme étroitement corporatiste. Les cotisants ne sont plus qu'au nombre de 1 300 000 exploitants et les salariés, mais l'ensemble des bénéficiaires forme une population de 4 500 000 personnes au moins – peut-être plus ! Car les chiffres communiqués sont différents pour la maladie et la vieillesse. Une partie des exploitants est assurée en maladie par le GAMEX – dans des conditions strictement identiques à celles de la MSA, mais sans qu'on sache vraiment ce que le GAMEX reverse au titre de la solidarité qui caractériserait, à entendre les gestionnaires, le système. Cette question importante laisse indifférents les défenseurs du monopole : quelle part de la prime d'assurance versée par les exploitants agricoles au GAMEX est-elle reversée par celui-ci ? Ou, au contraire, le GAMEX reçoit-il, comme les organismes conventionnés de la CANAM, des concours publics ?

En revanche, on peut parfaitement savoir ce que représente, pour la MSA la part de ces concours. C'est même depuis 30 ans, le seul système de sécurité sociale régulièrement passé au crible d'un examen parlementaire, et même d'un vote, sur le BAPSA, Budget Annexe des Prestations Sociales Agricoles. Ce petit monstre technocratique a été imaginé pour accompagner, dès les années 1960, la désertification des campagnes programmée à l'époque préhistorique où M. Pisani était ministre de l'Agriculture "du Général de Gaulle".

Le BAPSA des 5 dernières années a régulièrement dégagé pour le compte global de la MSA :

1° En dépenses cette masse, de l'ordre de 90 milliards dont 91,4 % de prestations de services sociaux ; 5,4 % de frais de gestions ; 0,3 % de frais financiers et 1,4 % de "solde d'Outre-mer" ;

2° Ces sommes sont financées par 16 % de cotisations versées par les exploitants agricoles ; le reste est décomposé en 30 % d'impôts et taxes affectés ; 45 % de transferts reçus des autres régimes de sécurité sociale et 8 % de contributions publiques, ces 3 appellations recouvrent en fait plus de 80 % de concours publics – (83 % à en croire le dernier "camembert" publié par la Direction de la sécurité sociale en septembre 1997) -.

C'est dans la cadre de cette situation de subvention qu'ont fleuri les 19 scandales soulignés par le Rapport Général de la Cour des Comptes de septembre 1997, pages 241 à 256, et auquel la direction de la MSA répond à peine en quelques lignes misérables. La phrase de conclusion des 16 pages de la Cour des Comptes nous paraît mériter réflexion : "la question se pose même de savoir s'il ne requiert pas une évolution du statut de cet organisme". Écrit dans le langage subtil de l'administration française, un tel questionnement nous paraît urgent.

Pour ne prendre en effet qu'un exemple, parmi les 18 autres dysfonctionnements égrenés par la Cour, relevons un seul point : la trésorerie de la MSA. Il n'y a pas scandale au sens retenu habituellement par les gazettes. Tout de même un paradoxe à voir cet organisme comptablement exsangue, riche d'une trésorerie considérable toujours positive de plusieurs dizaines de milliards… et qui génère néanmoins d'importants frais financiers réglés, en définitive par le contribuable.

A l'inverse de ce paradoxe, les amoureux de l'anecdotique ; les lecteurs du Canard Enchaîné, se complairont sans doute à lire, page 244, les quelques lignes relatives au "restaurant de direction géré par l'UCCMA pour le compte des institutions membres". (UCCMA = Union des Caisses Centrales de Mutualité Agricole, CCMSA = Caisse Centrale de Mutualité Sociale Agricole, montage bidon caractéristique de toute la pyramide). "En 1994, 4481 repas ont été ainsi facturés à la CCMSA pour un coût unitaire de 312 francs par convives. En 1995, le nombre de repas a été de 3 713 et leur coût moyen de 347 francs. On relève 127 dîners en 1994 et 146 en 1995 d'un coût unitaire de 625 francs. Dans plusieurs cas, les convives étaient exclusivement des administrateurs ou des agents de direction de la Caisse Centrale et leurs collaborateurs". Des dîners très marrants…

À ce stade, les 19 scandales de la MSA nous paraissent secondaires en regard du scandale fondamental : il s'agit d'argent public. Sur les quelque 25 ou 30 milliards d'impôts et taxes affectés, par exemple, on ne doit pas perdre de vue qu'il s'agit bien souvent de petites taxes odieuses imposées à diverses productions agricoles, les transferts versés sont pris sur la substance de cotisations ouvrières. Les intégristes de la dépense publique devraient réfléchir au fait que la captation de cet argent a été votée par le Parlement, chaque année, depuis plus de 30 ans, avec 30 ans d'avance sur la Loi Veil de 1994 prévoyant le rapport spécial annuel de la Cour des Comptes, et 32 ans d'avance sur le plan Juppé de 95-96…. À l'époque où M. Balladur était Premier ministre, par exemple, le rapporteur parlementaire du BAPSA était le très honnête M. Glavany. À quoi tout cela servait-il ?

En militant pour le libre choix de l'assurance, pour la privatisation et pour la concurrence, nous avons certes conscience que nous conduirons à la diminution très sensible des cotisations maladie et des taxes supportées par les agriculteurs prospères de notre pays. La France en bénéficiera. Mais les premiers bénéficiaires en seront, aussi, les paysans pauvres de nos campagnes.

JG Malliarakis
©L'Insolent
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