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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 2 MARS 1998
L'ÉVALUATION DES IMMEUBLES DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE
On vient d'apprendre le résultat d'une étude dont l'objet a passionné, il y a 3 ou 4 ans, les lecteurs du Canard Enchaîné.
Cette étude bouclée, décembre dernier par un cabinet immobilier privé porte, à la demande de la CNAM sur la valeur du patrimoine d'immeubles locatifs de cet organisme à vocation sociale.
Curieusement, en effet, la Caisse Nationale d'Assurance Maladie, au gré d'avatars historiques et politiques nombreux n'a guère de consistance juridique. On peut même dire que le Discours du 15 novembre 1995 annonçant le fameux Plan Juppé a jeté les bases d'une étatisation qui s'est notamment traduite, en juillet 1996 par la désignation de son Conseil d'administration et, pratiquement de son président M. Spaeth par le gouvernement. Lors de sa dernière réunion, en date du 17 février 1998, ce conseil réclamait, d'ailleurs, son autonomie : c'est dire qu'il n'est pas indépendant.
La CNAM n'a pas non plus de bilan.
On ne peut rien dire sur ses engagements à plus d'un an. On ne connaît pas non plus les garanties dont les assurés disposent quant aux risques que ce prétendu "assureur" et "ré-assureur" est supposé couvrir. C'est très "rassurant" notamment pour ceux qui, jeunes auront contribué à hauteur de 18,3 % de leurs salaires pour un risque que les retraités payaient, pour leur propre couverture, 2,8 % de leur retraite et 3,8 % de leur retraite complémentaire. Ce taux étant de 0,88 % pour les retraités de l'EDF.
Mais si la CANM ne sait pas établir de comptes de bilan, elle détient cependant un patrimoine. On ne sait jusqu'à quel point le conseil d'administration dispose, du fait de cette possession probablement acquisitive, de l'usus ou de l'abusus de ce patrimoine. Mais il paraît qu'il en a le fructus, puisqu'il paraît que la CNAM perçoit des loyers, notamment, pour reprendre la préoccupation du Canard Enchaîné, de ses beaux immeubles place Vauban, en face du jardin du gouverneur des Invalides. On a beaucoup glosé sur la qualité de certains locataires, tel M. et Mme Antoine Veil, qui sont excellents, et payent, par conséquent, d'excellents loyers .
Toujours est-il que nous apprenons, enfin, l'estimation de la "valeur" de ces immeubles, soit nous dit-on la somme exacte de 1,066 milliard.
Chose amusante, ce chiffre n'est que très légèrement différent de celui de la "fameuse" administration des Domaines qui évalue le patrimoine considéré à 1,14 milliard. Comme les chiffres des Domaines sont toujours faux, on doit estimer que cette expertise par un cabinet privé est loin d'être sérieuse.
Pour dires les choses véritablement, il n'existe guère qu'un moyen de connaître la valeur d'un bien, c'est de le vendre. Or, la CNAM hésite encore à aller de la sorte vers une cession d'un patrimoine si favorable à ses locataires. L'économiste Michel de Poncins a publié lui-même une étude, à notre avis fort parlante de la valeur actuarielle dont il ne saurait être question, bien entendu, de les en priver.
Ne perdons d'ailleurs pas de vue que le conseil d'administration de la CNAM, en fonction de la réforme de la sécurité sociale dont le dossier de cette cession des immeubles fait partie, envisage de les vendre d'ici fin 1999. Dans cette hypothèse la cession réalisée rapporterait à la sécurité sociale 0,8 ou 1 ou 1,2 milliard soit entre 0,12 et 0,18 % de l'objectif annuel des dépenses de l'assurance maladie.
La dernière garantie, si minime soit-elle, accordée par la CNAM à ses assurés, sauterait, enfin.
Plus rien ne lui permettrait de prétendre ressembler à une compagnie d'assurance décrite par la Directive Européenne 92-49. Il est vrai, quoique cette directive permette à des organismes de sécurité sociale et à des mutuelles de droit français, de commercialiser des produits et services se disant "assurance maladie", il lui permet de ne les offrir à leurs assurés sans les garanties imposées aux compagnies privées.
Mais est-ce bien là une exception conforme à l'intérêt des preneurs d'assurances que sont les travailleurs salariés français ?