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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 2 AVRIL 1998

LA FAILLITE PROGRAMMÉE DE LA RETRAITE DES CADRES…

La nomination de M. Marc Vilbenoît à la présidence de l'AGIRC, lors de la réunion du Conseil d'administration du 27 mars, est certes à considérer comme une petite nouvelle insignifiante, une sorte de non-événement. Elle confirme à nouveau le caractère de bastion CGC de cet organisme coiffant l'ensemble des institutions de la Retraite des cadres : M. Vilbenoît succède à M. Emile-Yves Rio, représentant du CNPF en alternance avec la centrale des cadres.

Auparavant l'AGIRC avait eu comme président M. Paul Marchelli, jusqu'en 1994, date à laquelle il fut nommé représentant unique du monde syndical au Comité de politique monétaire de la Banque de France. Tout cela semble ritournelle, babillage des oiseaux futiles compagnons de Zarathoustra, aux yeux du chroniqueur ou du lecteur averti.

Une chose semble pourtant digne d'être soulignée : M. Vilbenoît est âgé de 61 ans

Cela nous guette tous et on ne saurait lui en faire un reproche. Seulement voilà : est-ce bien un âge raisonnable pour se préoccuper de la retraite des autres, la retraite de ceux qui cotisent beaucoup aujourd'hui et qui sont appelés à cotiser encore plus demain avec la perspective de ne plus rien toucher après-demain ?

Ayons le courage de mûrir la réponse : la réponse est non. Non, on ne peut pas décemment donner la présidence de la Retraite des cadres à un homme de 61 ans qui a, de plus, milité toute sa vie pour le maintien de manière intangible du système de répartition appliqué aux cadres.

Signalons à ce titre que le président actuel de la CNAV-TS, c'est à dire de l'organisme qui gère l'ensemble des régimes de retraites obligatoires de tous les salariés du secteur privé est, lui aussi, issu de la CGC. M. Jean-Luc Cazettes, après avoir eu l'honneur de s'occuper de tourisme en Charente-Maritime dans les années 60, passé depuis sous la toise et sous le maillet, prétend faire aujourd'hui de la pédagogie en faveur des régimes de répartition. Autrement dit le système a fait de lui un propagandiste, hélas médiocre, des caisses en perdition.

Les derniers chiffres de l'AGIRC sont accablants et se passent de commentaires : cet organisme a perdu 6,5 milliards sur la répartition en 1997 et son résultat comptable net (un déficit de 2,5 milliards) ne survit que grâce aux reliquats de capitalisation dont il dispose encore et qu'il s'est toujours refusé à développer aux époques excédentaires. Le déficit technique de la répartition et le déficit comptable net sont désormais partis sur une courbe ascendante de 30 ou 40 % par an.

Précisons que la retraite des cadres comptait 2 882 000 cotisants pour 1 112 000 retraités et 404 000 veuves en 1996. Depuis, en 97 et 98, on considère que le nombre de cotisants augmente au rythme de 0,8 % par an pour un nombre de retraités en augmentation annuelle de 4,1 %.

L'avenir n'est évidemment pas brillant.

D'autant que le choix du statut de cadre, aux divers stades des carrières professionnelles, (on baptise ce phénomène de choix "stratégie de rémunérations") sera lui-même contrarié par les perpectives de faillite des Retraites par Répartition. Globalement en effet, les estimations les plus "optimistes" relativement aux régimes de cette nature projettent de les sauver à l'horizon 2015, en augmentant de 20 points le taux des cotisations.

Soyons précis : M. Vilbenoît aura en 2015 exactement 78 ans. Nous lui souhaitons donc d'avoir encore besoin de toucher une pension, et même de la toucher en bonne santé. Il présidera 2 ans encore l'AGIRC jusqu'en l'an 2000. Il aura besoin d'ici là d'impulser une hausse des cotisations de retraite des cadres de l'ordre de 1 point par an, étalée sur 5 ans….

C'est très probablement ce qu'il sera tenté de faire.

Attendons-nous par conséquent à de nouvelles mesures, équivalant à des soins palliatifs, destinées à faire semblant de "sauver", pour 2 ou 3 ans, la retraite des cadres.

Rappelons que les dernières décisions de cette nature datent du 25 avril 1996 : baisse du rendement, hausse des taux minimums de cotisation, instauration d'une "CET" = Contribution Exceptionnelle et Temporaire (sic !), non génératrice de droits, modification du financement et du mode d'attribution des points de retraite au titre du chômage. L'UNEDIC verse ainsi à la retraite des cadres, rétrospectivement à compter du 1er janvier 1996, un montant de cotisation calculé sur 60 % de la tranche B du salaire journalier de référence : rien de plus simple. On a, de plus, établi tranquillement une notion incroyable de solidarité financière entre l'AGIRC des cadres et l'ARRCO des salariés, ces derniers étant appelés à payer pour leurs anciens supérieurs hiérarchiques.

Ces mesures très lourdes, on pourra bien sûr les réitérer encore 1 ou 2 fois. Pas 36 fois.

JG Malliarakis

 

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