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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 9 JUILLET 1998

À PROPOS DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

POUR CONTRIBUER A LA RÉFLEXION DE M. JOSPIN...

Nous apprenons, par la lecture des gazettes, et avec beaucoup de plaisir, que M. Jospin "réfléchit" à la réforme de la taxe professionnelle.

Nous aussi, nous y avons réfléchi, maintes fois.

Nous disposons même d'un léger avantage par rapport au Premier ministre, c'est que nous payons actuellement cette taxe, ordinairement fort lourde, et généralement odieuse à la plupart des indépendants. Sans trop chercher, par conséquent, à alourdir ici notre raisonnement de considérations relatives à la démocratie, il nous semble intéressant de rappeler que le premier principe des démocraties, au sens moderne du terme, au sens anglais plus spécifiquement qu'au sens grec, c'est de postuler que les impôts doivent être consentis par ceux qui les supportent. Pour avoir imprudemment oublié ce principe, un roi d'Angleterre eut la tête coupée au milieu du XVIIe siècle, et nous ne saurions souhaiter à M. Jospin un sort si barbare en cette fin de XXe siècle.

Du point de vue de l'entrepreneur, la taxe professionnelle est analysable, en très grande partie, comme une forme de fiscalité patrimoniale. Elle est incontestablement une taxation de l'outil de travail et toute réflexion sur la réforme de l'impôt absurde dit de solidarité sur la fortune devrait tenir compte de l'existence, d'ores et déjà, de cette forme d'imposition.

Il est vrai, cependant, que la taxe professionnelle obéit à 3 caractéristiques aggravantes par rapport à la taxation de l'outil de travail envisagée par les plus extrémistes des réformateurs de l'ISF.

1° elle est payée également par les entrepreneurs les plus humbles, puisqu'elle ne connaît pratiquement aucune forme d'abattement ;

2° elle pénalise l'embauche puisqu'elle tient compte des salaires versés. Plus vous versez de salaires, plus vous embauchez de salariés et plus vous payerez de taxe professionnelle ;

3° enfin, elle n'opère pas de distinction entre immobilisations nettes et brutes, ce qui témoigne d'une conception particulièrement rétrograde de l'activité économique, conception notamment contraire à la Directive comptable européenne.

À ce titre, toutes les raisons qui militent à bon droit contre l'incorporation de l'outil de travail dans l'assiette de l'impôt dit de solidarité sur la fortune, militent a fortiori contre les conceptions organisatrices de la taxe professionnelle.

N'insistons même pas sur les heureux exemptés de la taxe, comme par exemple les charmantes mutuelles affairistes, — que le Monde nous envie mais que l'Europe a de moins en moins le désir de laisser impunément continuer à profiter, en France, de leurs privilèges fiscaux, prudenciels et juridiques exceptionnels, si contraires à l'intérêt des consommateurs et des preneurs d'assurances français.

Soulignons plutôt que l'entrepreneur individuel est un travailleur indépendant.

On fait ainsi payer aux travailleurs indépendants le droit de travailler alors qu'ils ne bénéficient pratiquement pas de la solidarité nationale et sociale, pour laquelle on leur demande systématiquement de contribuer. Pourquoi ce droit qu'on ne fait pas payer aux salariés et aux fonctionnaires est-il exigé seulement d'une catégorie de citoyens systématiquement écartés par ailleurs des instances de la décision politique et sociale ? N'est-il pas contradictoire avec les priorités toujours affirmées, priorité à l'emploi notamment, de procéder de la sorte ? N'est-ce pas là, enfin, et comme d'habitude, une manifestation contraire aux principes d'Égalité inscrits sur les murs des bâtiments républicains, des prisons comme des écoles primaires ?

Impôt perçu au profit des collectivités locales, communes, départements, régions et instances consulaires, la taxe professionnelle illustre une autre absurdité. Il serait intéressant que le premier ministre s'y attachât en tant que représentant de l'État central. L'entrepreneur individuel apporte par son initiative plus de richesse qu'il n'en retire de la collectivité locale. Il peut donc s'étonner d'être assujetti néanmoins à ce tribut.

Pour toutes ces raisons, et d'autres encore, le CDCA européen et le Front commun des travailleurs indépendants militent pour la suppression de la taxe professionnelle imposée aux indépendants.

JG Malliarakis
©L'Insolent
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