De jour en jour, le scandale de la MNEF s'amplifie.
Rappelons une fois de plus ici que ce scandale part d'un Rapport Spécial de la Cour des Comptes dont le destinataire prioritaire devrait être le parlement. Ceci résulte de la Loi du 25 juillet 1994. Or, les informations relatives à la MNEF ont été diffusées par la presse, dans la presse, et donc, obligatoirement auprès de la presse, plusieurs jours avant que le rapport soit connu.
Nous ne devons donc pas perdre de vue qu'il y a là une double manuvre politicienne.
La première manuvre nous indiffère absolument.
Il est faux de dire qu'elle "vise le PS", ce qui supposerait que l'opposition soit actuellement en état de viser. Il est manifeste, au contraire, qu'elle vient de certains secteurs de gauche désireux de crever un petit abcès sectaire incarnant une des tendances du trotskisme. Quand nous lisons par exemple dans Libération du 15.9, quotidien dirigé par l'ancien maoïste Serge July que " la MNEF a permis à quelques amis de faire de très bonnes affaires. C'est le cas de Marc Rozenblatt, proche de Cambadélis et de Julien Dray, ancien de l'UNEF-ID qui a enrichi son patrimoine de plusieurs millions de francs" nous éprouvons le sentiment d'un tel règlement de comptes.
La deuxième manuvre nous semble à la fois plus redoutable et plus pernicieuse.
Elle n'est pas une manuvre interne au microcosme, mais au contraire une manuvre de la nomenklatura française pour mettre un peu plus la main sur son propre système de monopoles.
C'est ainsi que l'article vedette de Libé (3 grandes colonnes en page 3, l'article qui saute aux yeux quand on ouvre le journal) est intitulé "Il faut une grande mutuelle étudiante". Titre rouge. C'est un entretien avec l'inévitable Davant, président de "la Mutualité Française" nous dit-on. Oui, M. Davant est bien président d'une organisation qui s'est donné le nom de "La Mutualité Française" au cours des années 1990
Le prédécesseur de M. Davant n'était autre que M. Robert Teulade dont le gouvernement Bérégovoy, d'heureuse mémoire, avait fait un éphémère ministre de la sécurité sociale entre avril 1992 et février 1993. Une réussite remarquable, si notre souvenir est exact. M. Davant a pris la place de Teulade parce qu'on peut difficilement être ministre et président d'un lobby intitulé, alors, "Fédération Nationale de la Mutualité Française", abrégé, aujourd'hui, en Mutualité Française, ça sonne mieux, ça fait plus corporatif monopoliste et institutionnel que FNMF. Or, la FNMF n'est pas seulement contestée par la FMF, dissidence d'inspiration communiste, qui a pris le nom, elle, de "Mutuelles de France" (ça passe très bien dans les dépêches d'agences). La FNMF doit aussi prendre de cruelles décisions déontologiques tournant invariablement autour de la question "violez-vous trop ouvertement le Code de la Mutualité ?" Et, par exemple, il a bien fallu après son désastre financier prendre des sanctions contre la GMF, l'énorme Garantie Mutuelle des Fonctionnaires.
À la question de la journaliste de Libération (Armelle Thoraval) "Les problèmes inhérents à la gestion de la MNEF sont connus de longue date. Pourquoi sont-ils mis au jour seulement aujourd'hui ?" nous serions tentés de répondre : très bonne question, très bien formulée.
Ces problèmes sont bien inhérents à la gestion de la MNEF, inhérents par exemple à la fiction du fonctionnement démocratique d'un organisme couvrant 800 000 personnes, employant 700 salariés, gérant 14 000 logements, possédant 150 agences, 9 centres de gestion, 42 centres de vaccination, versant 1,17 milliard de prestations subventionnées et devenant des participations dans une nébuleuse inextricable de filiales et sous-filiales. D'autre part, très longue date remonte au moins aux années 1960 qui virent la naissance d'une grande mutuelle concurrente.
Or, M. Davant, lui, répond tout à côté. Il avait, paraît-il "mis en garde", il y a un an ! Mais le public n'en avait rien su. "Il n'y a eu, dit-il, aucune réaction salutaire ". Aujourd'hui, nous dit-il avec emphase " La MNEF subissait l'emprise de forces externes : par exemple, l'Association des amis de la MNEF (sic), qui contrôlait le pouvoir au sens du Conseil d'administration". M. Davant nous semble tomber dans l'extravagance quand il propose, par conséquent, pour sortir de la situation, de renforcer la MNEF et de lui conférer même une sorte de monopole. "Je serai conduit, affirme-t-il, en tant que président de la Mutualité Française, à prendre une initiative dans les semaines qui viennent pour rassembler le mouvement mutualiste étudiant "
Au lieu de prendre acte de divers dysfonctionnements inhérents au réseau des mutuelles, au lieu de voir l'énormité de leur imposture, au lieu d'enregistrer diverses mises en cause (MNEF, Mutuelles du Mans, synergie MSA-Groupama, etc.), au lieu de se mettre en phase avec l'Europe on semble donc s'apprêter à maintenir cette aberrante exception française et à la subventionner de plus belle. C'est catastrophique et scandaleux.