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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 4 AOÛT 1999
L'Éducation nationale monopoliste coresponsable du chômage à égalité avec les charges sociales
Le déficit des créations d'entreprises en France, déficit égal à environ 500 000 entreprises depuis 1993, représente probablement 1,5 million de chômeurs.
Une étude récente vient de démontrer qu'une autre part du chômage est structurellement liée à la mauvaise formation des jeunes. Cette formation n'est pas seulement inadaptée au monde l'entreprise, ce que nous déplorons. Elle se révèle encore plus inadaptée à un nombre grandissant de jeunes Français. Car ceux-ci arrivent sans aucun diplôme sanctionnant une quelconque qualification sur le marché du travail.
Or, on évalue aux 2/3 le nombre de ces jeunes dépourvus de toute qualification qui ne trouvent aucun emploi dans les 24 mois suivent leur sortie du système scolaire.
Ils sont donc été totalement déqualifiés par l'échec, et constituent la clientèle privilégiée de l'exclusion dès l'âge de 18 ou de 20 ans. Cette expression et cette analyse ne sont pas de nous : ce sont les indications du seul rapport parlementaire sérieux consacré aux questions d'apprentissage et d'enseignement professionnel, rapport confié par le Sénat, car l'Assemblée nationale ne semble guère s'y intéresser, à Mme Hélène Luc. On remarquera que celle-ci n'est autre que la présidente du groupe sénatorial communiste. Ce dernier détail nous semble illustrer le peu de cas que nos assemblées font de cette question.
Une récente note d'information émanant du Ministère de l'Éducation nationale en date du 18 juin 1999 dresse un tableau plus grave et plus précis encore de la situation.
Bien entendu l'Éducation nationale pense le problème en fonction de ses propres conceptions. L'échec scolaire est ainsi mesuré, d'abord, au pourcentage de jeunes qui abandonnent chaque année l'école "avant d'avoir passé le bac". Ils sont 13 %. Parmi ceux-ci, le plus grand nombre, soit 64 % sortent du système scolaire sans aucun diplôme, le reste étant titulaire à 9 % d'un Brevet, 15 % d'un Certificat d'aptitude professionnelle et 12 % d'un BEP.
Au bout du compte, en analysant un panel de 27 000 jeunes Français, entrés en classe de 6e en 1989, on découvre sans trop d'étonnement que plus le diplôme obtenu est élevé, plus l'insertion professionnelle est aisée :
Or, si on considère le pourcentage inverse, celui des gens qui, plus de 24 mois après leur sortie du système, n'occupent aucun emploi et ne bénéficient même pas d'un stage, il est évidemment beaucoup plus terrifiant, 40 % en moyenne, atteignant 63 % chez les non diplômés.
Pensant le problème de l'emploi en termes de précarité juridique le Ministère de l'Éducation nationale se contente de constater que, parmi les salariés, 67 % des non diplômés bénéficient d'un Contrat à durée indéterminée contre 90 % des titulaires d'un CAP. De même s'intéresse-t-on à étudier la différence entre le pourcentage de CDI, de contrats d'orientation ou de CES chez les filles et chez les garçons. Et on remarque, globalement une plus grande précarité chez les filles, etc. (" La faute aux employeurs ")
L'Éducation nationale française est exclusivement dirigée par des gens qui sont tous sortis diplômés de l'enseignement supérieur.
Elle éprouve des difficultés considérables à s'adapter à un monde où la sociologie du Travail n'est pas conforme aux romans de Zola, et où la structure dirigeante des entreprises ne cherche pas ses modèles dans ceux de Balzac. L'Éducation monopoliste pense que ce chiffrage, par centaines de milliers, de jeunes chômeurs produits par le système scolaire signifie l'échec des jeunes considérés. Elle a beaucoup de mal à accepter l'idée que, bien plus que celui des jeunes victimes, cette réalité représente son échec à elle. Osera-t-elle un jour se demander pourquoi 23 % de ces jeunes estiment que "le système scolaire ne peut plus rien leur apporter ?"
JG Malliarakis