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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 6 AOÛT 1999

YAGUINE, FODÉ ET QUELQUES AUTRES

L'horrible drame du vol Sabena Conakry-Bruxelles n'a pas manqué d'interpeller la plupart des consciences européennes, qui se sentent naturellement concernées par les malheurs de l'Afrique. Ces deux jeunes Guinéens, âgés de 14 et 15 ans, retrouvés morts de froid dans le train d'atterrissage d'un avion nous laissent évidemment un message.

Mais quel est le message de Yaguine Koïta et Fodé Tounkara ?

L'Europe est-elle coupable ?

L'administration française est-elle coupable ?

En marge des "scènes d'hystérie collective à la morgue de Conakry" (AFP du 7 août à 22 h 25) le ministre guinéen de la Fonction publique M. Lamine Kamara n'a pas hésité à déclarer que "Si Yaguine avait obtenu un visa en bonne et due forme pour rejoindre sa mère, il ne serait pas mort aujourd'hui".

Cette déclaration apparaît comme une accusation contre la France, ou, au moins contre la bureaucratie française. On nous assure, en effet, que Yaguine voulait rejoindre sa mère remariée. Celle-ci réside dans la région parisienne de sorte que le refus d'un visa semble en contradiction avec le regroupement familial institué, en 1974, lorsque M. Chirac était premier ministre. Le 22 juillet dernier M. Chirac se rendait à Conakry pour sa 4 tournée triomphale en Afrique. Il est impensable qu'au cours de ses entretiens avec son homologue guinéen M. Lansana Conté, on ait imaginé de refuser, désormais, à un jeune Guinéen le droit de rendre visite à sa mère vivant en France. Or, manifestement entre le droit et le fait, une puissance d'inertie se serait donc interposée, à en croire les déclarations du ministre guinéen.

L'Agence France Presse va jusqu'à mettre implicitement en cause la volonté de l'Europe de contrôler l'immigration : "À Conakry comme dans presque toutes les capitales africaines, ose-t-elle écrire, nombreux sont les candidats à l'émigration qui n'obtiennent jamais de visa pour les pays occidentaux."

Au lieu de raisonner de la sorte, et de polémiquer une fois de plus sur la question de l'immigration, ne vaudrait-il pas mieux une fois pour toutes poser le problème du développement des économies et des entreprises africaines et du faux modèle technocratique exporté, notamment, par les dirigistes et les protectionnistes européens.

Tout le monde convient en effet que la pauvreté, le chômage, et le manque de perspectives d'avenir expliquent le geste de ces deux malheureux jeunes gens.

Ne serait-il donc pas préférable d'assurer la liberté d'investir et de produire en Afrique, et d'instituer la libre circulation des marchandises entre l'Afrique et l'Europe que de subir la circulation des personnes. Car celle-ci, en dépit toutes les réglementations, imposera sa "liberté", avec toutes les conséquences déplorables que nous connaissons. Ne serait-il pas préférable de remettre en cause le modèle éducatif défaillant copié en Afrique sur le modèle français, lui-même totalement coupé des réalités économiques ?

"Aidez-nous à rester chez nous, sinon nous allons tous mourir", s'écriait au lendemain de ce drame la jeunesse guinéenne à Conakry le 7 août.

Ces questions risquent fort de demeurer sans réponse. Nos décideurs préfèrent jouer les glorieux et les généreux. On ne peut relire sans amertume le récit de la réception fastueuse de M. Chirac à Conakry, à moins de 3 semaines de distance de ce drame.

On ne peut pas, non plus, se contenter de l'émotion, probablement sincère, de Mme Fontaine, présidente du parlement européen, appelant à une plus grande "coopération" entre l'Europe et l'Afrique,

si par "coopération" on entend :

La coopération euro-africaine doit, certes, être relancée. Mais elle ne saurait l'être que par les entreprises.

Les exemples existent. Les échanges peuvent être bénéfiques entre firmes françaises et ateliers de fabrication en Afrique. Cela dérange ceux pour qui l'Afrique est une chasse gardée pour certains intérêts miniers, et pour le déferlement hypocrite des bons sentiments bon marché.

JG Malliarakis

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