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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 13 AOÛT 1999

AGIRC ET ARRCO FACE À LA CONCURRENCE EUROPÉENNE

Les Échos faisaient état, dans leur édition du 10 août, d'une étrange démarche des deux organismes gérant coiffant, en France, les deux principaux régimes de retraite complémentaires. L'article commence en effet par la phrase suivante "Par un stratagème les deux régimes français de retraites complémentaires espèrent échapper à la libéralisation recherchée depuis plusieurs années par la Commission européenne".

Cette seule phrase introductive appelle deux remarques.

"Par un stratagème" et "espèrent" ont quelque chose d'assez restrictif, pour ne pas dire carrément pessimiste quant aux perspectives de succès de la démarche des deux "régimes" ou plus exactement de leurs gestionnaires monopolistes.

2° Nous avons plusieurs fois, dans ce bulletin souligné les idées, et applaudi aux orientations du Commissaire italien Mario Monti en matière de libéralisation des régimes de retraites complémentaires. Il s'est agi notamment, de son discours de Rimini au Congrès de Communion et Libération en août 1998, puis d'un document publié en novembre, suivi au printemps 1999 d'un calendrier opérationnel juste avant la démission collective de la Commission présidée par M. Jacques Santer. Cela ne fait pas cependant "plusieurs années" à notre connaissance. Nous lisons assez régulièrement Les Échos. Cette publication nous semble le meilleur, ou le moins mauvais, des journaux économiques français. Nous n'avions jamais remarqué que ce quotidien attachât jusqu'ici beaucoup d'importance à l'impératif de concurrence entre les caisses sociales, à laquelle seul un stratagème pourrait arracher l'ARRCO et l'AGIRC. Nous éprouvons même le sentiment d'être très seuls, en France, à parler tous les jours de ce genre de choses, et de nous heurter à un scepticisme général. Et, soudain, voici que nos contradicteurs, nos contempteurs (ils ne nous citent jamais) se mettent à écrire comme si nos thèses étaient en quelque sorte, évidentes, comme si tout le monde savait, comme si la libéralisation des régimes de retraites était quelque chose d'inéluctable. Tant mieux ! Mais, tout de même…

Rappelons que la France est pratiquement le seul pays du monde à concevoir les retraites dites complémentaires sur des principes pratiquement identiques à ceux de "régimes de base" salariaux couramment gérés en répartition. Nous n'adhérons pas dans l'enthousiasme à la concession dialectique bien connue du "petit minimum", garanti par l'État et géré en répartition. Si la répartition est mauvaise pour les riches elle est encore plus mauvaise pour les pauvres. Mais il est de fait que cette concession est assez universellement répandue. On peut même dire qu'elle est plus ou moins à la base du Social Security Act américain de 1935. En tout cas, la Commission européenne va dans ce sens pour le moment.

Le stratagème imaginé par l'AGIRC et l'ARRCO a consisté à adhérer à un protocole européen de 1971 qui ne concerne en théorie que les "régimes de base", dont il assure techniquement la coordination transfrontalière. De la sorte ces deux organismes imaginent échapper de la sorte à l'inéluctable libéralisation des régimes complémentaires. La ficelle est un peu grosse, pour ne pas dire énorme. Même le bulletin interne de l'ARRCO, "La Retraite complémentaire", abrite un article de Rachel Brunet universitaire de Paris-I qui reconnaît que "c'est loin d'être gagné" et qui appelle à la plus grande "vigilance à l'égard des initiatives des institutions communautaires".

L'attitude de ces deux organismes est révélatrice.

Ils cherchent des moyens de survivre et ils s'accrochent à des arguties juridiques tirées par les cheveux. L'intérêt des cotisants et des retraités, actuels ou futurs, est le cadet de leurs soucis. Ils ne sont pas là pour ça. Ils sont là pour "remplir une mission de service public à la française". Nous leur retournons donc leur argument et nous promettons d'être, nous aussi, très vigilants à l'égard de leurs initiatives.

JG Malliarakis
©L'Insolent
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