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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 31 DÉCEMBRE 1999

POUR SORTIR DIGNEMENT DU SIÈCLE

Certains esprits tant soit peu discutailleurs voudraient perpétuer le XXe siècleûsiècle jusqu’au 1er janvier 2001. Ils auraient arithmétiquement raison, si le calendrier universel avait été institué un 1er janvier de l’an I, par exemple lors d’une Épiphanie vraiment connue de la Terre entière. Il n’en a pas été ainsi (1). Convention humaine, signe de liberté, et non réalité mathématique, la frontière des siècles ne peut être qu’approximative et subjective.

Nous appellerons donc XXIe siècle la période qui commencera, le plus tôt possible je l’espère, par une conscience de ce qui nous éloignera du XXe siècle.

Siècle dominé par le règne interminable du communisme (1917-1991 en Russie), par les totalitarismes, par l’asservissement sans précédent de l’Homme à l’État et aux idoles étatistes, par la corruption de l’occident dans un argent soustrait frauduleusement par les monopoles à l’effort des hommes individuels, l’argent sale de l’État, siècle caractérisé par l’affaissement de l’Europe, ce XXe siècle s’effacera je l’espère le plus vite possible.

Les deux monstrueuses guerres intra européennes de 1914 et 1939 forment peut-être une seule guerre (2), Elles ont porté un coup fatal à la légitimité de la division de l’Europe en États-Nations, comme "la" Guerre dite du Péloponnèse (3) a frappé à mort la légitimité de la division de la Grèce en Cités-États, et comme la Guerre de 30 ans au XVIIe  siècle avait mis à bas le Saint-Empire comme institution nationale allemande.

Notre situation historique en Europe aujourd’hui (4) est peut-être comparable. Entre les traités de Westphalie de 1648 et le recez de Ratisbonne supprimant le Saint-Empire en 1801, il s’écoule une longue période, culturellement très brillante du reste, qui dure 153 ans. Il faudra attendre encore 70 ans pour voir réapparaître l’Unité allemande. Entre la défaite athénienne d’Aigios-Potamos de 405 et la nomination d’Alexandre comme stratège des Hellènes par l’assemblée de la Ligue de Corinthe en 335, il s’écoule aussi 70 ans. Le désastre soviétique dure, lui aussi, 71 ans. Faudra-t-il attendre aussi 70 ans après 1945, soit encore 15 ans, pour voir triompher une idée européenne confédérale unissant les ressources humaines, culturelles, spirituelles et après cela les forces économiques de notre Vieux Continent, cela nous mènerait en 2015. J’ose à peine l’espérer.

Alors, les historiens futurs diront du XXe siècle qu’il aura commencé en 2015, comme le XXe siècle a commencé vraiment en 1905, date de la guerre russo-japonaise, et 1914, date de la première guerre civile européenne.

L’agonie du XXe siècle aura été longue. Elle commence en 1989, avec la destruction du mur de Berlin. Nous ne devons pas perdre de vue qu’elle est assez décevante surtout en ce qui concerne la France. Voir la France aborder la date mythique de l’an 2000 dans l’ornière étatiste et les médiocrités de la cohabitation cela nous semble grande pitié. Voir l’idée nationale d’un peuple, qui fut grand, abîmée dans les démagogies du slogan souverainiste, c’est encore assez misérable. Lisant les chiffres du dernier sondage de popularité, je découvre que le principal porte-voix de ce mot d’ordre est plébiscité à 60 % par la droite. C’est assez consternant penseront beaucoup de gens, comme sont consternantes les institutions de cette droite (5). Si j’étais de gauche, sans doute éprouverais-je la même consternation pour les représentants de la gauche. J’adresse donc en cette fin de siècle un amical salut à mes "fraternels adversaires".

Je voudrais cependant terminer, sinon ce siècle, du moins les réflexions de cette fin d’année en laissant poindre une flamme d’espérance. Au moins, au sein de la droite, les hommes les plus populaires ne sont pas associés aux médiocrités du pouvoir. Un nombre grandissant de Français cherche autre chose que les recettes du prêt à penser.

Ayons une pensée, et traduisons là en actes de vraie solidarité, pour les si nombreux Français actuellement dans le malheur et auxquels notre État ne sait apporter que son étrange autosatisfaction et son insondable médiocrité.

Bonne Année à tous...

JG Malliarakis
© L'Insolent
Petites apostilles

(1) Jésus de Nazareth n’est certainement pas né le 1er janvier de l’an 754 de la fondation de Rome, ni le 25 décembre 753, mais en l’an 748 ou 749, probablement en avril, Notre calendrier demeurera toujours victime de l’erreur technocratique d’un savant moine du vie  siècle, Denys le Petit, mort lui même en 540, plus d’un demi-millénaire après le Christ. Cette erreur technocratique aura perduré pendant plus de 200 ans puisque les documents datés de l’ère chrétienne n’auront commencé à se généraliser qu’au VIIIe siècle. Jusque-là, les datations romaines, impériales et olympiques ont subsisté, même dans le monde chrétien. La conception d’un calendrier universel remontant à la date (calculée faussement) de la naissance de Jésus a été imposée par un théologien espagnol, saint Isidore de Séville (560-636), lors du 4e concile national de Tolède en 633. Il est curieux de constater que cette idée universaliste, imposée d’abord en Espagne et en Gaule narbonnaise, est contemporaine de l’apparition de l’Islam (Mahomet meurt en 632 et le calendrier lunaire des Musulmans part de 622). L’erreur de Denys le Petit n’a jamais été corrigée, pas même lors de l’apparition du calendrier grégorien au XVIe siècle. Espérons que la sécurité sociale bismarckienne survivra moins longtemps en Europe…

(2) La première guerre mondiale n’a évidemment pas pour cause les questions de frontières de l’Europe du sud-est. Elle a pour cause essentielle les rivalités protectionnistes des États de l’Europe du nord-ouest. Rompant avec les traités de libre échange du xix siècle, sont apparus successivement le tarif protectionniste Méline de 1892 en réaction contre le traité de Francfort de 1873, le tarif protectionniste italien de 1896 – contre lequel seront publiés les écrits géniaux de Vilfredo Pareto, – et enfin le tarif protectionniste allemand de 1910. Le drame des nations d’Europe aura été l’investissement passionnel des "nationalismes" dans la défense de ces petits monstres économiques étatistes. On trouve, hélas, cette funeste erreur dans le programme de Nancy de Maurice Barrès en 1899. Quant aux prémisses de la deuxième guerre mondiale on sait qu’elles se trouvent dans le Traité de Versailles et autres traités disloquant notamment l’espace de l’Europe centrale et danubienne de l’ancien empire des Habsbourg. Dans ses Mémoires d’un magicien, le Dr Schacht expose assez clairement comment son système monétaire artificiel a permis jusqu’en 1938 la reconstitution dans cette région d’un espace commercial fermé, chasse gardée de l’industrie allemande et jeté les bases d’une économie de guerre. Sur ce point, oublié mais capital, le procès de Nüremberg donne un éclairage très important.

(3) On rappelle que "la" guerre du Péloponnèse est un concept créé, génialement, par Thucydide pour associer en une même période historique "un des plus sinistres et des plus absurdes conflits qui aient jamais saccagé les espérances humaines" (Denis Roussel). Ce conflit est en réalité une série de conflits : guerre d’Archidamos (431-421) expédition de Sicile (415-413) et guerre de Dékélie (414-410). L’ensemble couvre donc une période de 27 ans (431-404). Ce conflit est né de la rivalité entre Athènes et Sparte, mais il a entraîné le monde grec comme le conflit franco-allemand a entraîné 2 500 ans plus tard l’ensemble du monde européen. La similitude des périodes, comme pour la Guerre de Trente ans en Allemagne est assez frappante. Correspond-elle à une génération humaine ? La période "réparatrice" de 70 ans couvrirait, elle, un peu plus de deux, peut-être trois générations.

(4) Je pars de l’hypothèse que nous désirons tous "l’Europe des Libertés", et non une froide et artificielle construction limitée à la sphère technocratique. Il semble que les contradictions apparentes exprimées par les "politiques", divisés entre "souverainistes" et "fédéralistes", n’ont aucun sens du point de vue de la société civile, aussi bien au plan culturel qu’au plan économique. La société civile européenne nous semble désire en général quelque chose de "confédéral", certainement pas un Super-État, ce que nous appelons "Europe des Libertés".

(5) C’est peut-être ce qui explique ces 60 %, basés, me semble-t-il, sur un malentendu. Nous prenons, parfois, pour des solutions neuves des choses qui ont échoué il y a très longtemps.

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