Il me semble grave que le gouvernement Jospin ait cru nécessaire de faire appel à M. René Teulade pour expertiser le dossier des retraites. M. Teulade, en effet, âgé de 68 ans aujourd'hui, a été de 1979 à 1992 le prédécesseur de M. Davant à la présidence de la Fédération nationale de la mutualité française. Ses fonctions passées nous suggèrent qu'il est, évidemment, d'un grand savoir faire dans les démarches coulissières. De 1951 à 1966 il a été enseignant Nous voulons donc bien croire, également, en sa compétence pédagogique. Mais nous savons, pour avoir lu sa prose, qu'il n'a strictement aucune compétence économique et financière.
Certes, l'idée de faire appel à lui n'est pas nouvelle. Il fut le ministre chargé de la Sécurité sociale du gouvernement de feu Bérégovoy (1992-1993). Il avait été, en 1988, pour le Xe Plan le rapporteur de la Protection sociale. Son jugement le plus caractéristique était alors que, globalement, les gaspillages de l'assurance maladie n'étaient pas à craindre puisqu'ils se trouvent "recyclés dans l'économie marchande"
Nous sommes donc en présence du Dr Tant Mieux.
Les Échos (24 décembre) sous le titre "Retraite : le rapport qu'attendait Jospin : René Teulade présente un avis euphorique", citent ainsi ce jugement qui nous semble, à nous, extravagant : "Avec une croissance forte et une baisse durable du chômage, la crise du système de retraite est loin d'être insurmontable La gestion de l'avenir des retraites n'a rien de dramatique ni d'inextricable."
Les réformes préconisées par le rapport Charpin n'auront donc pas lieu. Même Libération (28 décembre) trouve la recette un peu grosse. La méthode du gouvernement est celle d'une opération de pure communication : "avant de s'emparer du dossier le plus épineux de la législature, le Premier ministre entendait chasser de la mémoire collective - et syndicale les conclusions catastrophistes dont lui avait fait part le commissaire au Plan Jean-Michel Charpin en avril, au terme de six mois de concertation tous azimuts." Très clairement, en effet le quotidien de gauche s'étonne que l'échéance intéressante soit politicienne au mépris de l'impératif sociale, démographique et économique "Voilà un dossier écrit en effet le journal, qui ne sera de toute façon pas à l'ordre du jour avant 2002, année présidentielle. L'important, ce n'est pas que le film soit bon, mais qu'il soit beau." Allez avoir confiance en l'État avec des considérations pareilles.
Faut-il donc considérer comme catastrophiste le rapport de M. Charpin ? Certes non ! Comme le résume M. Michel de Poncins dans son bulletin hebdomadaire : "ce rapport disait crûment ce que les gouvernements, qu'ils soient de la prétendue droite ou de la vraie gauche, cachent avec soin depuis longtemps : la retraite par répartition est un système qui se détruit par lui-même. La conclusion était qu'il faudrait soit réduire les retraites, soit augmenter au-delà du possible les cotisations." (Tocqueville Magazine du 31 décembre).
Certes, le rapport Teulade n'est pas encore adopté à l'heure où nous écrivons. Il doit le présenter officiellement à l'assemblée plénière du Conseil économique et social les 11 et 12 janvier. Mais il est assez rare que cette assemblée refuse de ratifier un rapport. Il y a cependant des précédents négatifs : ainsi fut repoussé le rapport proposé par Yvon Chotard il y a 10 ans "Comment sauver la sécurité sociale". Tiens ! Tiens ! Déjà un rapport alarmiste ! Ce livre édité par Economica à défaut d'avoir été publié par le Conseil économique et social, est plein d'enseignements sur la manière dont procède le système pour tordre le cou aux docteurs Tant Pis.
Début février, si tout va bien, M. Jospin dévoilera un prétendu plan qui permettra aux groupes de pression conservateurs de gagner du temps au détriment des cotisants.
C'est sans doute une façon de nous souhaiter une bonne et heureuse année ! Une année insouciante puisque l'État est là pour penser à nous !
Nous souhaitons au contraire, à nos lecteurs et amis, une année de vigilance et de lutte joyeuse au service de la Liberté.
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ...
Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis en souscrivant un abonnement payant