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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 4 JANVIER 2000
L'ÉTRANGE MÉPRIS DU COMMERCE DE M. LELLOUCHE
Quand M. Lellouche député RPR se fait l'écho
du vieux préjugé antiéconomique français... (1)
M. Pierre Lellouche, député parisien, est abondamment intervenu dans le débat sur l'abolition du monopole des commissaires priseurs. Il a organisé un colloque le 2 novembre, il a pris la plume dans Le Figaro, rédigé un rapport, déposé des amendements et pris la parole à de nombreuses reprises, non sans interrompre (plus de 20 fois) ses adversaires lors des séances au Palais Bourbon du 21 et 22 décembre.
M. Pierre Lellouche a développé certaines choses intéressantes et intelligentes. Mais il a proféré aussi une énorme sottise. Cette sottise nous étonne tout particulièrement venant de lui. Bien informé des vents dominants, couramment avisé, il sait se montrer opportun. Il intervenait au service de ses électeurs, et des entreprises, du 9e arrondissement dont il est, actuellement, le député et dont il souhaite manifestement devenir le Maire. Mais, chacun sait, ou plutôt chacun devrait savoir que les porte-parole des intérêts particuliers et des groupements de professionnels, en général, adorent les arguments protectionnistes. Et ils les développent avec d'autant plus de fougue que ces arguments sont économiquement plus absurdes.
L'énormité, fort répandue, est en effet dans le développement suivant :
Le marché de l'art français a perdu en cinq décennies le premier rang mondial qui était le sien jusqu'au lendemain de la seconde guerre mondiale. Comme le rappelle notre collègue Luc Dejoie du Sénat, en 1952, la seule étude de Me Ader réalisait un chiffre d'affaires égal à celui de Sotheby's et Christie's conjointement dans le monde entier. [ ] Mais la conséquence la plus tragique de ce déclin est politique, au sens noble du terme. Il sort de France chaque année officiellement, et dans l'immense majorité des cas définitivement, quelque deux milliards de francs d'objets d'art parmi les plus beaux du patrimoine français. [ ] Pillage, pour tous ceux qui, du monde entier, viennent s'y servir. Notre patrimoine artistique est devenu un véritable " chef-d'uvre en péril ". C'est ainsi qu'une nation riche de deux mille ans d'histoire, fière de son patrimoine, se vide à un rythme effréné des richesses qui fondaient son identité
Et de partir dans un grand délire historique :
Lors du colloque que j'ai organisé à l'Assemblée nationale le 2 novembre dernier, M. Pierre Rosenberg, président de l'établissement public du Grand Louvre, rappelait la dimension fondamentalement politique de ce phénomène. De tout temps, les nations les plus fortes ont non seulement tenté d'imposer leurs modèles culturels aux plus faibles, devenues ainsi leurs vassales, mais elles ont également cherché à piller les richesses culturelles des faibles et des vaincus. (Lellouche 21 décembre à l'Assemblée nationale)
Nous avouons être assez surpris d'entendre, venant de MM. Lellouche et Rosenberg, autant de contradictoires absurdités, habituellement caractéristiques du "nationalisme" le plus naïf. Le Musée du Louvre attire plus de visiteurs par un certain tableau italien peint par Léonard de Vinci ou par des Antiquités égyptiennes, grecques ou romaines que par les huiles représentant les batailles de Napoléon. Envisage-t-on de restituer les uvres étrangères ? Il est légitime que certaines uvres d'art françaises soit détenues par d'excellents propriétaires particuliers français. Mais les peintures françaises exposées dans les musées étrangers, américains ou anglais ou russes ne propagent-elles pas un certain prestige culturel français ? Les frises du Parthénon exposées au British Museum sont un cas extrême. Elles y ont, quand même, fait, pour le prestige de l'hellénisme, plus que l'agitation de Mme Mélina Mercouri épouse Dassin.
Mais nous retrouvons, aussi, dans tout cela, un étrange mépris du commerce.
Quand un Français vend une uvre d'art à un Étranger se trouve-t-il dépouillé ? Oublions même la propagande que fera, pour sa patrie, l'uvre d'art exposée dans un grand musée international, ou mieux encore dans une petite ville. Soulignons que cette valeur va être réintroduite dans l'économie française. Sans désirer transformer le château de Versailles en siège d'une multinationale, la vente et l'exportation, le plus cher possible (hormis donc le cas de l'expropriation par l'État et la fiscalité), des patrimoines artistiques détenus en France par des particuliers sont toujours bénéfiques.
M. Lellouche aurait gagné notre estime s'il avait eu le courage de le dire.
(1) Le tableau reproduit ci-dessus, (à dr. regardant de haut M. Lellouche) est le portrait du janséniste Robert Arnauld d'Andilly par le non moins janséniste Philippe de Champaigne...
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