COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
JEUDI 13 JANVIER 2000
LE SYNDICALISME DOIT SORTIR DU XIXe SIÈCLE
Ces
derniers jours, et de toutes parts, est posée la question de la représentativité,
comme celle du financement des syndicats. Nous nous félicitons donc de
voir de larges secteurs découvrir de la sorte un problème que
nos lecteurs connaissent bien (cf. notre Courrier du 20 septembre "Crise ouverte
de la Représentativité syndicale").
La
non représentativité de nos dirigeants et de nos porte parole,
obscurcit les perspectives de l'harmonie civique et sociale. Les partis politiques
sont financés de manière doublement douteuse. L'Argent gris alloué
par l'État ne semble guère plus propre, de ce point de vue, que
l'Argent réputé sale des caisses dites noires. Dans un cas comme
dans l'autre, le peuple français se reconnaît de moins en moins
dans ses porte parole. Sans nous engager ici dans l'aspect politique du débat,
reconnaissons que tout cela projette un certain doute, et même un doute
certain, quant à la légitimité des interlocuteurs
étatiques.
Mais avant de contribuer à la rénovation de l'État, le monde syndical français devrait avoir l'honnêteté de se remettre lui-même en cause. Dans sa lettre adressée au Congrès de Toulouse du CDCA du 21 novembre, Jacques Gerbault, président national du Cidunati parlait de réfléchir ensemble au syndicalisme du XXIe siècle (cf. notre Courrier du 30 novembre).
Nous
sommes heureux de partager cette préoccupation.
La
France, au sein de l'OCDE, est le pays où la syndicalisation est la plus
faible.
Ce n'est pas par hasard.
Les maux du syndicalisme français ont des racines historiques profondes. Le syndicalisme français a pris racine sur les mythes du XIXe siècle. À partir des années 1820 de bons esprits ont considéré que la condition des travailleurs réputés libres s'était considérablement dégradée depuis les lois dites D'Allarde et Le Chapelier de 1791.
La première avait supprimé en avril les institutions professionnelles, maîtrises et jurandes, réformées en 1776.
La seconde, en juin, avait interdit tout groupement à caractère syndical. On peut penser aujourd'hui que ces deux réformes, inscrites jusque dans le Code pénal promulgué par Napoléon en 1810, ne sont certainement pas la seule raison de la misère ouvrière du XIXe siècle. Toujours est-il qu'un certain nombre de lois ont permis, au cours du XIXe siècle, la reconstitution pénible et souffreteuse des libertés associatives si malmenées en France, celle des mutuelles (1852), puis des syndicats (1884) puis enfin des associations civiles (1901).
Et
on attend encore que la France permette l'existence, en Droit français,
d'institutions comme la fondation ou la fiducie.
De
plus, aucune des institutions associatives ne fonctionne convenablement en France.
Les lois françaises sont très retardataires, et leur application
très laxiste.
Toujours est-il aussi que, depuis près de 100 ans, nous demeurons encore tributaires en France d'un vision remontant au XIXe siècle. Cette vision doit beaucoup au roman. Sans parler de Victor Hugo, soulignons que la "réalité" sociale et industrielle ouvrière est supposée dépeinte dans les romans de Zola, comme la "réalité" économique bourgeoise est supposée avoir été analysée dans ceux de Balzac... Quand l'exception culturelle française subventionne un film destiné à montrer aux enfants des écoles ce qu'est l'industrie, cela donne "Germinal" (et ces jours-ci le caricatural "Ressources Humaines"). Plus grave encore, à partir de 1922, et plus encore de 1945, une autre idéologie du XIXe siècle, le marxisme léninisme a dominé notre paysage syndical, ceci contrairement à l'Angleterre et à l'Allemagne, pays où les syndicats s'en sont écartés.
Aujourd'hui,
encore la CGT perpétue cette domination, et l'on voit même se renforcer
au sein de FO, mais aussi de la FSU, du Syndicat national unifié des
impôts, de SUD, etc. une galaxie extrême de petites bureaucraties
elles aussi acquises aux idées rétrogrades de lutte des classes.
Pour compléter cet archaïsme, notons que le travail indépendant est lui aussi très mal loti. Les bureaucraties supposées parler au nom des entrepreneurs sont elles-mêmes pétries des slogans les plus arriérés. Un coup de balai s'impose donc!
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