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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
VENDREDI 14 JANVIER 2000
VERS LE SYNDICALISME DE L'AVENIR
Une
fois balayés les idées fausses et les mythes archaïques sur
lesquels repose encore le syndicalisme en France, il ne sera pas inutile de
faire un état des lieux.
Depuis
le début de cette année 2000, chaque jour qui passe ou presque,
est venu apporter son lot de remises en cause. Au-delà même des
problèmes de représentativité syndicale et de financement
des appareils, on a vu éclater les questions de déontologie, de
mélange des genres des directions. Ou plutôt on les a entraperçues,
car elles sont extrêmement périlleuses pour la survie du système.
L'une
des raisons, par exemple pour laquelle M. Strauss-Kahn est "tombé" si
spectaculairement dans l'affaire de la MNEF, c'est peut-être parce qu'il
en était un bouc émissaire commode. Ce prestataire extérieur,
était certainement abusif, probablement scandaleux, mais il n'était
emblématique ni du syndicalisme, de l'appareil mutualiste, ni des connexions
politiques d'extrême gauche.
Des
médecins généralistes à la CGT pure et dure, en
passant par les syndicats d'enseignants et le mutuelles, on constate que toutes
ces bureaucraties se sont emparées d'activités gestionnaires.
Et elles s'y sont enlisées. Cet affaissement constitue peut-être
le secret du paritarisme, et la raison pour laquelle le système ferme
les yeux. Pendant qu'ils font du fric, sur le dos de leurs adhérents,
les responsables syndicaux ne risquent pas de se mêler de ce qui les regardent.
Cette
dérive doit cesser. Nous devons le dire d'autant plus clairement que,
dans le milieu des entrepreneurs individuels, le commerce, l'industrie, les
prestations de services sont en quelques sorte naturelles. Un René Teulade
passe, au forceps, de l'enseignement à la mutuelle retraite des instituteurs,
puis de cette colossale MRIFEN à la Fédération de la Mutualité.
Cette évolution le mènera plus tard au Ministère de la
sécurité sociale, puis au rapport de circonstance présenté
au Conseil économique et social le 11 janvier. Elle ne fera jamais de
lui ni un entrepreneur, ni encore moins un économiste. Quand un Dr Bouton,
président "démissionnaire" de MG France prétend s'impliquer
dans l'informatisation des cabinets médicaux, la chose est aussi lamentable
pour ceux dont il prétend défendre les intérêts.
Nous
ne voulons pas perdre de vue, quant à nous, que les prestations subsidiaires,
des mutuelles aux centres de gestions, se sont développées aux
marges des institutions. Elles caricaturent presque les anciennes corporations.
C'est bien qu'elles sont nécessaires et qu'elle peuvent rendre des services.
Aux oeuvres de bienfaisance des confréries, au secours mutuel des jurandes,
se sont ainsi agrégées ou substituées des activités
purement commerciales.
Nous
serions les derniers à combattre le commerce ou à le dénigrer.
Nous sommes donc, peut-être, mieux placés que d'autres pour le
distinguer du syndicalisme.
C'est
pour cela que les mouvements syndicaux des travailleurs indépendants
soient les premiers à donner l'exemple de la lucidité. Le syndicalisme
de demain imposera, par conséquent une séparation stricte. Cette
distinction sera sans doute amicale, car nous reconnaissons avoir besoin des
prestations subsidiaires, mais le sentiment dominant est qu'elle doit être
radicale et sans ambiguïté. Cela s'est nettement dégagé
des débats de la commission de l'action syndicale du récent Congrès
CDCA de Toulouse (cf. notre Courrier du 23 novembre).
Lors de la Conférence de Seattle fin novembre on a certes vu monter au créneau des activistes nullement représentatifs des "peuples du monde".Ils étaient 99 fois plus nombreux à venir de l'État de l'Oregon que du département de l'Aveyron. Mais on a pu voir encore plus les panneaux absurdes de l'AFL-CIO et des bureaucraties syndicales nord-américaines. C'est même en fonction de la mobilisation des syndicats protectionnistes américains que sont venus les anarcho-communistes de l'Oregon.
Cela
a été parfaitement mis en valeur par la presse américaine
et en particulier par l'enquête du New York Times (3 décembre).
Si
les syndicalistes américains et européens défendent si
sottement, et donc si mal, les intérêts de leurs mandants théoriques,
n'est-ce pas une raison supplémentaire de dire qu'il faut projeter le
syndicalisme vers l'avenir ?
Dans
la question des retraites, même Le Monde (8 janvier), faisant écho
à une enquête de l'IGAS sur le groupe Caisse de retraite interentreprise,
a compris qu'on était en présence d'un "système d'échanges
de services, négocié en secret, syndicat par syndicat, au plus
haut niveau". Le rapport IGAS de septembre 1999 concluait en effet que
"La gestion de la retraite au sein du groupe CRI est dans l'ensemble correcte
et assurée avec conscience par les agents [...]. Elle n'apparaît
toutefois plus que comme une préoccupation secondaire de l'encadrement
supérieur. ". Et le rapport soulignait que ledit groupe CRI "redistribuait"
en salaires fictifs et petits avantages, non négligeables, réservés
aux bureaucraties syndicales, dans l'odre la CGT, la CFDT et FO...
Ainsi
donc, chaque exemple le prouve, les centrales syndicales agréées
trahissent les intérêts des salariés ou des indépendants,
au profit des intérêts directs et personnels des bureaucrates.
Mince pourboires penseront certains, en comparaison de l'importance du problème.
Mais précisément c'est bien à cause de ces considérations
sordides que toute réforme en France est réputée impossible.
Le
syndicalisme d'hier reposait sur une fausse idée de la justice sociale,
aboutissant au spectacle de la redistribution générale aux frais
de la collectivité.
Le
syndicalisme de demain devra, au contraire, rechercher la plus grande efficacité
économique, et notamment il recherchera l'information du consommateur,
dans le cadre d'une libre concurrence et d'un libre choix profitables à
tous. À quoi sert, en effet, de gagner nominalement plus d'argent s'il
est gaspillé dans des services ou des produits monopolistiques, quels
qu'ils soient de plus en plus coûteux et de moins en moins performants ? À quoi sert de redistribuer si cette redistribution appauvrit tout
le monde ? À quoi servent des minima sociaux si ceux-ci entravent l'insertion
de leurs attributaires de plus en plus exclus d'un système se proclamant
de plus en plus solidaire...
Le
syndicalisme d'hier partait d'une vision primitive, utopique et contre-productive
de l'égalité.
Le
syndicalisme de demain sera fait de diversité et de pluralité.
Il
sera au service de la Liberté.
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