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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

 

MERCREDI 25 JANVIER 2000

 

POURQUOI LES FRANÇAIS HÉSITENT À ENTREPRENDRE

 

Le prochain Salon des entrepreneurs se tiendra fin janvier à Paris. Pour cette occasion, l'Agence pour la création d'entreprises a commandé à l'Institut français d'opinion publique une enquête qui sera publiée cette semaine.

L'idée essentielle qui se dégage de ce sondage est très grave.

En effet, la peur du risque y apparaît comme l'un des principaux handicaps à la création d'entreprises en France. Plus de la moitié des sondés n'envisagent pas de se mettre un jour à leur compte
"La principale raison invoquée au refus de création se cristallise autour de la notion de risque : créer son entreprise fait peur, car pour certains les risques encourus sont trop importants", conclut clairement l'étude.

30 % des Français affirment pourtant "avoir envie" de créer leur entreprise. Mais la plupart ne prévoient pas de passer à l'acte. Ils envisagent donc leur avenir professionnel dans une grande entreprise ou dans l'administration.

37  % des personnes interrogées estiment que créer une entreprise est "trop risqué".

Plus grave encore, une écrasante majorité, — près de 70 %, — jugent qu'il est "plus difficile" de le faire qu'il y a quelques années.

Ils estiment matériellement, pourtant qu'il est plus facile de trouver des financements, que les formalités sont plus simples et que la conjoncture est porteuse. Les soutiens ne manquent pas. Mme Lebranchu, comme hier M. Chirac, dénonce la "frilosité des banques", Le gouvernement a dégagé 10 000 aides sous forme d'avance remboursable en 1999 pour stimuler la création d'entreprise. Mieux encore tout un milieu, les Business Angels d'environ 1 000 investisseurs particuliers mobilisent des capitaux personnels dans les jeunes sociétés. Ce phénomène se développe en France, à l'instar des États-Unis, où il a largement contribué à l'explosion de la Silicon Valley, notamment. On évalue pour 1999 cet investissement à hauteur de 60 milliards de francs par an dans 30 000 entreprises.

Le fait est pourtant là. Le nombre d'entreprises crées en France stagne depuis plusieurs années. Pis encore, la durée de vie des nouvelles créations est brève : la grande majorité ne dépassent pas 5 ans.

Le problème central est la faiblesse de la culture du risque en France.

Sans doute les sociologues de l'IFOP ignorent-ils la nature du risque encouru, et le rôle nuisible des monopoles sociaux.

Mais les sondés, eux, l'ignorent de moins en moins.

Également, le poids moral et social de l'échec pèse beaucoup plus lourd en France qu'ailleurs. Selon François Hurel, délégué général de l'APCE, les créateurs américains ont plus de chance de retrouver un soutien et des financements après un échec que leurs homologues français. Et, en France on perd souvent tout espoir de retrouver un emploi salarié équivalent à celui qu'on a abandonné en se lançant dans l'aventure de la création de leur entreprise.

Les jeunes sondés placent très haut le facteur "chance" dans la réussite d'une entreprise, même lorsqu'ils privilégient le "dynamisme", le "courage" et l"expérience" comme qualités de l'entrepreneur.

Les sondés ne se trompent pas tellement quand il s'agit de définir l'entrepreneur : 47% ont préféré Édouard Leclerc, âgé de 74 ans, fondateur des Centres Leclerc, comme exemple d'entrepreneur en France, et ils ont osé le préférer aux nouvelles figures de proue proposées par les médiats comme emblèmes du capitalisme français tels que François Pinault, Bernard Arnault, ou Vincent Bolloré, dont les opérations financières défraient la chronique.

Curieusement, cette préférence est commentée officiellement comme "carence de la culture d'entreprise". La vraie carence n'est pas ici dans le public, elle est plutôt chez les fabricants d'opinion. La classe parlante et dirigeante désignait Bernard Tapie dans les années 80 comme modèle d'entrepreneur. L'école montre "Germinal" comme symbole de l'industrie. Les journaux voudraient que l'économie se confonde avec les cours de la Bourse. Les médiats ne parlent des chefs d'entreprise que lorsqu'ils vont en prison pour "abus de biens sociaux".

Et l'on s'étonne que les Français hésitent à fonder leur entreprise....

JG Malliarakis

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