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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
VENDREDI 28 JANVIER 2000
L'AFFAIRE MOULINEX COMME PROCÈS DE MOSCOU...
LES
FAITS donnent tort à la vision cégétiste, et plus généralement
protectionniste, de l'affaire Moulinex. Les chiffres misérables (200
personnes) de la manifestation cégétiste du 26 janvier de " soutien
aux Moulinex " confirment la méfiance du peuple français. L'attitude
scandaleuse des voyous cégétistes injuriant brutalisant le sénateur-maire
de Caen, M. Giraud, devant les caméras de télévision n'a
pas échappé au public... Mais...
Mais
les idées fausses ont la vie dure... Dans l'Humanité du 25 janvier,
cette affaire ne figure pas à la rubrique sociale, syndicale ou économique.
Elle figure à la rubrique politique, y compris les déclarations
de M. Lepaon délégué central CGT (cf. notre Courrier du
27). Et l'affaire est montée en épingle dans le journal qui lui
consacre 6 articles fort substantiels, à défaut d'être véritablement
objectifs.
Parmi ces articles, il faut noter l'éditorial de M. Charles Silvestre. Il est, lui aussi, officiellement référencé comme politique. Et pourtant son auteur serait bien le dernier à renier le passé cégétiste aux Usines Renault, autrefois citadelle ouvrière... Voici donc comment commence l'édito de L'Humanité :
Thalassa fait un malheur, sur France 3, avec la fermeture dévastatrice des Ateliers de réparation navale du Havre. Daniel Pennac, l'écrivain, et Tardi, le dessinateur, cassent la baraque des licenciements avec une bande dessinée. Le film de Laurent Cantet passionne en dévoilant l'hypocrisie des Ressources humaines. Le cinéaste américain Michaël Moore remplit les salles où The Big One est projeté en inventant le harcèlement moral, celui auquel il soumet les grands patrons qui font de la richesse la raison même des suppressions d'emploi.On ne sait si Pierre Blayau regarde la télé, va au cinéma et lit des BD. Et, franchement, des goûts du PDG de Moulinex, on s'en tamponne. Car ce qui compte, c'est ce qu'il fait, et ce qu'il fait, c'est très exactement ce que pourfendent les émissions, les films, les livres qui, aujourd'hui, parlent " vrai".
J'ai parfois scrupule à écrire que la pensée unique française, dans laquelle M. Silvestre n'est pas un opposant mais au contraire une sorte d'avant-gardiste, (ou plutôt d'arrière-gardiste) prend ses références dans les romans du XIXe siècle. Bien avant l'oeuvre romanesque de Zola (L'Assommoir 1877, Germinal 1885, la Bête Humaine 1890), avant l'oeuvre romanesque de Balzac (dont la Comédie Humaine est publiée entre 1842 et 1848), ou même celle de Dickens (Oliver Twist 1838, Nicolas Nickleby 1839), les travaux d'Alban de Villeneuve-Bargemont, préfet du Nord (1828-1830) ont été les premiers à alerter l'opinion. Et il s'agissait alors de l'observation de faits bien réels sur l'évolution de la condition ouvrière. La pensée sociale de la fin du XIXe siècle répond à des réalités sensibles du début de ce même XIXe siècle.
Mais,
pour parler comme M. Silvestre " les émissions, les films, les livres
qui, aujourd'hui, parlent vrai " ne peuvent cependant plus s'en tenir, en
cette année 2000, à la continuation des théories marxistes
des années 1860-1880, elles-mêmes fondées sur les observations
de gentilshommes royalistes des années 1820-1830... Née
du discours d'Engels sur la tombe de Marx en 1883, la religion marxiste nous
semble franchement périmée... Intéressant de la voir se
référer aujourd'hui à des films, des émissions,
des romans...
Or,
non seulement la manière dont il est parlé de l'affaire Moulinex
dans les médiats continue cette religion marxiste, mais, bien plus cette
affaire, comme hier l'affaire Michelin, n'est évoquée que pour
régler de manière interne les comptes des deux branches de la
secte : secte jadis "bolchévique" et secte naguère "menchévique"...
Maxime Gremetz contre Martine Aubry... Ce règlement de
compte strictement politique est infiniment plus important à leurs yeux
que la condition ouvrière réelle entre Falaise et St-Lô !
Tout
semble se jouer entre un prétendu projet de loi de Modernisation (sic !) sociale que Mme Aubry entend déposer bientôt à l'Assemblée
nationale et un texte d'origine communiste tendant à réglementer
encore plus le droit de licenciement. La modernisation selon Aubry ce n'est
pas la modernisation selon Tony Blair, c'est exactement le contraire : c'est
un renforcement des rigidités du Code du Travail français, dont
nous constatons qu'il est une cause importante du chômage, presque aussi
importante que les charges sociales monopolistes.
Simplement
la proposition communiste soutenue le 25 par MM. Gremetz, Bocquet
et Lajoignie, et repoussée par l'Assemblée allait encore plus
loin. Elle visait, subtilement (étonnant de la part de Gremetz) à
empêcher Mme Aubry de "tomber à gauche" et de quitter, comme
elle le souhaiterait, le ministère du Travail, avant les retombées
(négatives) de sa propre démagogie, et auréolée
de la réputation (usurpée) d'avoir fait diminuer le chômage.
Tout
cela semble très loin, tout cela est, en effet, très éloigné
des préoccupations véritables des travailleurs français
désireux de nourrir honnêtement leur famille...
Et vous dites que cet éloignement vous étonne ? C'est cet étonnement qui, à son tour, semblerait surprenant...
JG Malliarakis
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