Ainsi les médiats, via l'Insee, ont-ils enfin pu le découvrir... Car l'AFP, dans une dépêche du 26 janvier, présentait la chose à partir d'un communiqué de l'Insee sous le titre "2,7 millions d'indépendants travaillent plus de 50 heures". Et le lendemain Les Échos (27 janvier) reproduit sagement ce message très "objectif".

Les quelque 3,5 millions de travailleurs indépendants français, qu'ils soient artisans, commerçants, agriculteurs ou professionnels libéraux, travaillent en moyenne plus de 50 heures par semaine, contre 40 heures en moyenne pour les salariés à temps complet, selon cette étude de l'Insee qui ne fait cependant état que de 2,7 millions d'indépendants.

La dernière livraison d'Insee-Première précise cependant que la durée effective de travail des indépendants exerçant à temps complet atteint ou dépasse 51 heures par semaine pour une catégorie incluant au même titre que les agriculteurs, les artisans, les commerçants, les chefs d'entreprises d'au moins 10 salariés et les professions libérales supérieures.

Les exploitants agricoles figurent toujours dans le groupe de tête bien que leur durée de travail ait considérablement diminué depuis vingt ans.

Ils sont passés d'une moyenne de plus de 60 heures par semaine à 53 heures environ.

Les professions libérales dites intermédiaires, les infirmières libérales, les kinésithérapeutes, etc. travaillraient en moyenne entre 45 et 50 heures.

Notons aussi que les indépendants exercent leur profession dans des conditions différentes de celles des salariés. Leur temps de travail peut "inclure du temps de présence comme chez les commerçants ou les médecins". En outre, ils sont réputés "décider seuls de l'aménagement et de la durée de leur travail" en fonction de la nature et de l'intensité de leur activité.

Le travail indépendant se caractérise aussi par une plus grande imbrication entre vie professionnelle et vie privée puisque 52 % des indépendants travaillent à leur domicile contre seulement 8,5% des salariés.
Les indépendants sont aussi beaucoup plus nombreux que les salariés (44% contre 9%) à ne pas pouvoir bénéficier d'horaires de travail réguliers.

Cela est surtout vrai pour les agriculteurs et les professions libérales et, dans une moindre mesure, les commerçants en dépit du respect d'une certaine régularité dans les horaires d'ouverture.

Les horaires de travail varient d'une semaine à l'autre. Mais ils varient aussi, pour 53% des indépendants, d'un jour à l'autre. À l'inverse, 64 % des salariés ont les mêmes horaires de travail tous les jours.

On note également que les indépendants "prennent souvent leur jour de repos en dehors du week-end". De façon systématique ou occasionnelle, plus de 90 % des indépendants travaillent le samedi, près de 61% travaillent le dimanche et plus de 25% la nuit, entre 0 et 5 heures du matin. Les agriculteurs sont, une nouvelle fois, les plus concernés : "les trois quarts travaillent tous les samedis et un peu plus de la moitié tous les dimanches"

"Ces rythmes de travail sont encore rares chez les salariés mais ils commencent à se répandre", affirme l'Insee. En 1998, 17 % des salariés travaillaient habituellement le samedi, 5,4% le dimanche et 4,5% la nuit. Cette irrégularité des rythmes de travail s'accroît depuis le début des années 1980. Elle est censée résulter pour les premiers, de "contraintes inhérentes au métier qu'ils ont choisi".

Tant pis pour eux penseront donc les lecteurs d'Insee-Première. En revanche il s'agit, pour les seconds, "d'une contrainte le plus souvent imposée par l'employeur".

Attention à cette découverte. En elle-même elle ne surprendra pas la plupart de nos lecteurs qui sont eux-mêmes soumis à ces horaires d'autant plus exténuants qu'ils sont destinés à payer pour les autres. En gros si un travailleur indépendant français travaille 50 heures et plus par semaines, il ne travaille pour lui et sa famille que les 15 dernières heures. Les premières 35 heures représentent la corvée sociale et fiscale imposée chaque semaine aux indépendants français corvéables à merci.

La CGT, l'INSEE et le ministère du Travail ne seront vraiment satisfaits que le jour où ils empêcheront tous les Français de cultiver leur dernier lopin de terre individuel et familial.