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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 1er FÉVRIER 2000

LES MUTUELLES ET LEURS DÉMARCHES COMMERCIALES...

Vendredi 28 janvier à Lyon se tenait une intéressante conférence de presse organisée avec l'appui de Christian Decotte président Rhône-Alpes du CDCA. Il s'agissait d'attirer l'attention, en espérant que les médias acceptent d'alerter le public sur d'étranges pratiques des caisses sociales en liaison avec des mutuelles. Le dossier concerne plus de 3 millions de familles françaises. 105 journalistes professionnels extérieurs étaient nominalement invités. Un seul est venu. Mais on pouvait se demander si sa démarche ne suppléait pas à celle des RG dont les "hambourgeois" n'avaient pas été invités à pénétrer dans la salle. Un huissier semblait vouloir interdire au conférencier de s'exprimer sur les révélations qui lui pesaient sur la conscience. Il n'a pas réussi à entrer dans la salle. Ainsi le silence sur ce dossier sera-t-il prolongé encore pour quelque temps.

À la tribune s'exprime un agent de contrôle assermenté M. Jean-Claude Eyssard, âgé de 53 ans, père de 2 enfants, travaillant dans les organismes de sécurité sociale depuis 1966, versé depuis 1973 à la Caisse des Assurances vieillesses artisanales de Grenoble. Malgré ce long parcours, malgré son désaccord, qui a pourtant franchi les limites de l'écoeurement, cet homme croit encore aux principes de la sécurité sociale.

Sa contestation porte sur le fait que ladite caisse AVA de l'Isère et de la Savoie s'est transformée en sous-traitante d'un centre de profit mutualiste, la Mutuelle retraite de l'artisanat.

Dans ce cadre, il évalue que, sur 40 collaborateurs de l'AVA grenobloise, 12 sont exclusivement affectés à la vente de 2 produits d'assurance complémentaire de cette mutuelle, entreprise de droit privé. Il s'agit, d'abord du produit dit "Artivie", assurance invalidité-décès complémentaire. C'est ce qu'on appelle un contrat de "prévoyance". Il s'agit plus essentiellement, d'autre part, du produit intitulé "Aria", produit d'assurance vieillesse complémentaire, dont la CANCAVA, caisse nationale des AVA, voudrait tant nous persuader qu'il peut être obligatoire, nonobstant la jurisprudence européenne déboutant la MSA en novembre 1995 pour un produit analogue dont elle cherchait à conserver le monopole auprès des agriculteurs.

À la question : cette pratique est-elle généralisée aux autres AVA, M. Eyssard répond oui.

Cette démarche commerciale des mutuelles, sous-traitée par des caisses, semble, en principe, "légale".

Apparemment aucune disposition du Code pénal ne l'interdit. Le Code de la Sécurité sociale est en effet très flou sur la nature juridique et des diverses caisses du commerce et de l'artisanat. On peut soutenir que les caisses sont elles-mêmes des mutuelles. La synergie d'une caisse mutuelle AVA et d'une mutuelle retraite est alors définie par un contrat : une partie du personnel de l'AVA effectue des prestations de sous-traitance et l'AVA facture à la mutuelle les commissionnements que ses agents vont de la sorte encaisser. Cette activité discrète est beaucoup plus visible entre la Mutualité sociale agricole et le Groupama, théoriquement Groupement des assurances mutuelles agricoles dont le siège est couramment le même que celui de la MSA...

Là où les choses deviennent scabreuses c'est que nous nous trouvons en situation de monopole et que tout est fait pour donner aux artisans l'impression qu'ils sont obligés de souscrire à ces produits médiocres... M. Eyssard fait témoigner un artisan rhônalpin M. Salba, ayant adhéré en 1987 au contrat "Aria". Ce contrat est dit "contrat cadre". L'ambiguïté est donc aussi dans le fait que, de la sorte on pouvait le confondre, en jouant sur les mots, avec la retraite complémentaire des cadres jadis considérée comme avantageuse... Sur 10 ans cet artisan a donc souscrit pour 370 000 francs en principal. En retraite depuis 2 ans il touche 2 200 F par mois, à titre viager.
"Moi, dit-il, j'ai pensé que c'était obligatoire."

Or, ce souscripteur constate diverses caractéristiques négatives de ce produit vieillesse financièrement peu performant.

1° En principe les artisans affiliés sont contraints de cotiser jusqu'à 65 ans. S'ils prennent leur retraite plus tôt, leur pension complémentaire sera fortement diminuée.

2° Contrairement à la plupart des produits de ce type, y compris les produits de capitalisation libre dits produits "Loi Madelin" institués à partir de 1994, les cotisations Aria se révèlent fiscalement non déductibles.

3° La réversion au profit des veuves n'est pas toujours acquise...

Ni ces clauses contractuelles ni la synergie entre caisses et mutuelles ne tombent donc sous le coup de la loi. Cependant là où le bât blesse singulièrement c'est que la démarche de commercialisation se révèle extraordinairement oblique. Les nouveaux assujettis aux régimes artisanaux, les jeunes artisans inscrits au registre des métiers par l'entremise du Centre de Formalités administratives, du fait de la fameuse et pernicieuse "simplification", se voient "convoqués", conviés à rencontrer en Mairie ou en Chambre de métiers un agent assermenté, chargé de régulariser leur inscription au "régime" des indépendants. On leur demande de venir munis de leur carte de sécurité sociale, d'un relevé d'identité bancaire et d'un chéquier.

Or, il s'agit de leur vendre un produit financier. Les agents plaçant ces produits financiers sont rémunérés par des primes d'intéressement qui vont de 5 000 F par an pour l'agent le moins motivé, à quelque 10 fois plus pour un agent zélé.

Tout ceci se déroule manifestement aux frontières de l'illégalité. Ici, il semble bien qu'il y ait une habile tromperie.

Faire croire obligatoire un produit facultatif, voilà l'inacceptable. Ces confusions entre semi-privé et semi-public, appellent une clarification urgente et une mise en concurrence impérative et chirurgicale, dans l'intérêt des artisans français.

JG Malliarakis
©L'Insolent

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