COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 7 FÉVRIER 2000
LA LIBÉRALISATION DE L'ÉLECTRICITÉ ENJEU EUROPÉEN
L'énergie farouche avec laquelle cégétistes et politiciens français résistent aux directives concurrentielles européennes mérite un regard plus attentif. Ainsi l'adoption très tardive d'une loi régularisant, avec des pincettes la distribution de l'électricité en France a de quoi fasciner.
Depuis 1996, une Directive européenne fixe les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité. Ces règles rendent complètement obsolète le statut adopté en 1946, à l'époque dite du "Tripartisme". Mais la France tarde à réviser ses vieux dogmes, et le 22 décembre 1999 la Commission adressait, en vertu de l'article 226 du Traité instituant la Communauté européenne un avis motivé à la République française pour non-transposition.
Dans l'urgence, pour empêcher que la France soit condamnée en manquement d'État, on a donc procédé à une navette entre les deux assemblées. Dans toutes ces discussions le groupe communiste et les chevènementistes sont montés au créneau pour enrayer la libéralisation nécessaire du marché de l'énergie. L'un des principaux défenseurs du système monopoliste aura été en cette occasion M. Claude Billard député PCF du Val-de-Marne rapports de divers projets socialo-communistes. Sa bataille monopoliste à retardement tend à hérisser de faux concepts, prétendument sociaux ou ridiculement nationalistes, la route de la Liberté : fixation par décret d'un tarif "produit de première nécessité", limitation du négoce "aux producteurs qui, pour compléter leur offre achètent de l'électricité pour la revendre", etc.
Dans ce délire, la propagande cégétiste fait feu de tout bois. Pire qu'une bête, la honte ne l'étouffe jamais. L'Humanité du 4 janvier publiait ainsi un sondage où 93 % des Français seraient satisfaits du service public de l'électricité. Les 7 % de mécontents, cela peut sembler beaucoup s'agissant du courant électrique ! sont-ils de mauvais Français ? Ces pourcentages quasi staliniens sont là pour nous le suggérer. Et puis les agents EDF sont venus si gentiment en janvier réparer les dégâts provoqués en décembre sur leurs lignes aériennes ! Voilà qui mérite reconnaissance !
Il se trouve cependant que le 19 janvier s'est concrétisé l'accord par lequel EDF acquiert 24,1 % du capital du 4e producteur allemand, ENBW, fournisseur d'énergie dans le Bade-Wurtemberg.
Or, le ministre allemand de l'Économie et de la Technologie, M. Werner Müller en tire des conclusions très claires et très rigoureuses. Dans un entretien publié par Le Monde (29 janvier) il déplore en effet que cet intervenant soit un monopole étatique à 100 % et il déclare tout simplement :
1° "J'attends que le gouvernement français privatise EDF. "
2° "De plus, la France ne respecte pas le droit européen : elle aurait dû transposer la directive européenne sur la libéralisation du marché de l'électricité européen depuis février 1999. C'est un autre élément perturbateur du marché."
Les monopolistes se heurtent donc à deux réalités.
D'une part l'Allemagne est aujourd'hui le principal contributeur de l'Union européenne.
D'autre part l'Allemagne est le principal partenaire de la politique et des grandes entreprises françaises au sein de l'Europe. Non seulement les échanges franco-allemands sont essentiels à l'économie française, mais toute l'année 1999 aura vu se développer des tentatives ou des accords impressionnants entre les plus grands groupes français et allemands.
Le 20 avril 1999, accord France Télécom et Deutsch Telekom (actuellement brisé).
Le 4 mai 1999, accord Bourse de Paris + Deutsche Börse.
Le 14 octobre 1999, accord Aérospatiale Matra + Dasa = EADS.
Le 6 décembre 1999, accord Framatome + Siemens = 3,1 milliards d'euros.
Le 15 décembre 1999, accord Rhône-Poulenc + Hoechst = Aventis = 17,8 milliards d'euros.
La culture de grève cégétiste peut bien s'agiter comme le 18 janvier pour faire pression sur le débat parlementaire du 19. Cette culture de grève est en effet incompatible avec un capitalisme allemand dont le ministre Müller rappelle qu'il est fondé sur le consensus et la cogestion. " Quand elle bien utilisée la cogestion est une arme stratégique ", déclare-t-il. Or, cet homme de 53 ans, issu du secteur privé allemand, (groupe RWE puis Vega) a un poids considérable dans le gouvernement Schroeder. La France devrait se préparer à travailler sérieusement avec lui, non à mener des batailles d'arrière garde.
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