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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 10 FÉVRIER 2000

ON VEUT SUPPRIMER LE SEUL IMPÔT (presque) JUSTE

Le débat sur la (prétendue) cagnotte fiscale n'est pas seulement dérisoire. À bien des égards il permet de comprendre combien la France demeure engluée dans des mensonges étatistes d'un autre âge.

De l'évaluation des chiffres, on se bornera à remarquer qu'elle ne signifie pas grand-chose. Toutes les Lois de Finances comportent des incertitudes à propos des recettes. Les erreurs constantes de la Direction de la Prévision du Ministère des Finances n'ont d'égales que sa prétention à mettre la main sur les postes clés. C'est notamment à cette direction de la Prévision que l'on a cru bon de confier les comptes de la sécurité sociale, y compris lors de la mini crise de l'été 1999, où M. Nasse s'en est trouvé éjecté sans tambours ni trompettes.

Plus grave est la prétention, appuyée, d'alléger, et peut-être de supprimer la Taxe d'Habitation.

On remarquera d'abord que la Taxe d'Habitation est un impôt local, et non une recette de l'État. Pourquoi l'État se mêle-t-il donc, sous prétexte d'un afflux imprévu de recettes dans ses caisses, de diminuer une recette qui ne le concerne pas ? L'idée vient de loin. Elle n'est absolument pas innocente.

Dès le rapport Sueur il est apparu en effet que la réforme de la Taxe d'habitation était un piège.

Dès 1998, on a préconisé ouvertement une redistribution des ressources des différentes communes au sein d'une même agglomération, et on a associé cette idée à celle d'un allégement des contributions locales payées par les citoyens les plus démunis. Présenté de la sorte, le projet avait quelque chose d'imparable. "Qui ne voit" combien artificielle peut être la séparation en communes différentes de quartiers à peine séparés par la largeur de l'avenue où passe la "frontière" ? "Qui oserait mettre en cause" le devoir de "solidarité" ? Avec de tels préjugés, avec de telles prémisses, comment remettre en cause les conclusions du débat ? Y a-t-il même un débat ?

On dit traditionnellement qu'en France les finances locales sont alimentées par les "4 vieilles" impositions remontant à l'ancien régime :

 1° La Taxe sur le foncier non bâti, impôt archaïque supporté par les exploitants agricoles, qui s'en trouvent pénalisés à hauteur de 2 % environ du chiffre d'affaires global de l'agriculture française.

 2° La Taxe professionnelle, l'ancienne patente. La collecte de cet impôt stupide et antiéconomique, est à peu près égale à la somme des aides (140 milliards de F) versées à certaines entreprises. La réforme de cette taxe, il y a 20 ans, l'a rendue encore plus stupide. M. Strauss-Kahn a menti en prétendant l'avoir sensiblement réformée et allégée. Au contraire la tendance actuelle risque fort de la voir renforcée.

 3° La Taxe foncière sur les immeubles bâtis est une forme d'impôt sur le capital. Elle empêche une réforme de la fiscalité patrimoniale, car elle est le seul impôt patrimonial perçu au niveau local. Elle se superpose aux droits de succession et de mutation, à l'impôt "de solidarité sur la fortune", etc.

L'incohérence de la Taxe foncière et de la Taxe professionnelle se trouve aggravée du fait que ces deux impôts ne sont pas prélevés sur la masse des électeurs.

 4° Au contraire, la Taxe d'habitation est payée par tout le monde, au prorata, certes approximatif, des services consommés. Il comporte de nombreux abattements sociaux en faveur des familles, des revenus modestes, etc. C'est l'impôt citoyen par excellence, à la seule exception des résidences secondaires, puisque les communes sont entre les mains des résidents permanents. Au total la TH récolte environ 50 milliards.

Pour les inconditionnels de la redistribution, rappelons quand même que celle-ci se trouve assumée par la Dotation générale de Fonctionnement, versée par l'État aux collectivités locales, ce que l'on tient ignoré du grand public. Il est vrai que cette DGF est 3 fois plus élevée en faveur des banlieues que des communes rurales, ce qui mesure à peu près exactement l'inégalité du cas que l'État central fait des diverses populations de l'Hexagone. "Les pommes de terre pour les cochons, les épluchures pour les Bretons".

Les partisans de la suppression de la Taxe d'Habitation cachent à peine la nature de leur projet. L'État mettra un peu plus la main sur les finances et les libertés des collectivités locales. L'impôt sera un peu plus clairement un moyen de redistribuer. Le citoyen aura son mot à dire de manière formelle et abstraite. Les entreprises payent déjà 2,8 fois plus en TP que les habitants en TH. Elles paieront encore plus. Mais les entrepreneurs sont peu nombreux et ils ne votent pas dans les communes où ils sont assujettis à la TP.

C'est, dira-t-on, le lot habituel de la démagogie française. Il n'est pas inutile de le rappeler.

JG Malliarakis

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