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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 21 FÉVRIER 2000

LE DROIT EUROPEEN ENTRE RESTRICTIONS ET EXTENSIONS

Ne disposant pas encore du texte intégral de l'arrêt du 15 février, condamnant, une fois de plus l'État français à propos, cette fois, de la CSG, nous nous sommes contentés de l'article, fort court, — mais au moins il existe — publié par le Quotidien du médecin (18 février) concernant l'affaire des frontaliers.

Voilà l'article du Quotidien du médecin :

Les travailleurs frontaliers ne peuvent plus être soumis à la CSG

La Cour européenne de justice vient d'estimer que les résidents français travaillant dans un autre État membre de la Communauté européenne ne pouvaient pas être soumis aux contributions sociales que sont la CSG et la CRDS puisqu'ils cotisent déjà pour leur protection sociale dans l'État où ils travaillent.

Dans un arrêt daté du 15 février, la Cour juge que l'application aux travailleurs frontaliers de ces prélèvements n'est pas conforme au droit communautaire et constitue "une entrave injustifiable à la libre circulation des travailleurs".

En effet, ces contributions créées respectivement en 1990 et en 1996 pour financer les dépenses sociales sont bien, selon la juridiction européenne, un prélèvement social et non un impôt, comme le soutenait le gouvernement français. Elle rappelle donc qu'au nom du principe de l'unicité de prélèvement des cotisations sociales "un travailleur ne peut être grevé, pour un même revenu, de charges sociales découlant de l'application de plusieurs législations nationales, alors qu'il ne peut revêtir la qualité d'assuré qu'au regard d'une seule de ces législations". La décision de la Cour européenne de justice est surtout importante pour les quelques 120 000 travailleurs frontaliers français résidant notamment dans l'est de la France.

Nous trouvons que la rédaction du Quotidien du médecin est bien restrictive dans son commentaire sur l'impact de cette décision.

D'abord, la CSG et la CRDS étant des cotisations on ne pourra plus jouer avec leur déductibilité au regard de l'impôt sur le revenu.

D'autre part, la fonction de la Cour européenne de justice n'est pas seulement de prendre des décisions relatives à telle ou telle espèce particulière mais de contribuer à construire le Droit européen. Les plaideurs et les avocats, notamment français, ne l'entendent pas toujours ainsi, mais c'est ainsi. Le Droit européen est applicable en France !

Or, même un texte comme le rapport Rocard de 1999 — destiné à sauvegarder les privilèges des entreprises françaises de droit mutualiste — constate que la France ne pourra plus échapper à cette logique du Droit européen et que les tribunaux français, si étroitement jacobins jusqu'ici, commencent à juger en fonction du Droit européen.

En se reportant simplement aux décisions de la CJCE de la semaine précédente (7 au 11 janvier) nous trouvons ainsi un arrêt dans les Affaires jointes C-147/97 et C-148/97 Deutsche Post AG c/Gesellschaft für Zahlungssysteme et c/Citicorp Kartenservice. L'affaire est essentielle pour l'avenir des postes en Europe. Il s'agit du repostage, c'est-à-dire "de la distribution du courrier en provenance de l'étranger et faisant l'objet d'un repostage non physique." Les postes sont tributaires de la Convention postale universelle, dont la première version remonte à 1874, et dont les adaptations sont complexes. En lisant les attendus du jugements, on réalise que la CJCE suit en permanence la question des monopoles, de l'article 86 du Traité et des positions dominantes soutenues par les États.

La question de savoir si la CSG française est une cotisation sociale ou un impôt ne concerne donc pas seulement les travailleurs frontaliers physiques de l'est, et du nord, de la France, elle concerne tous les Européens. Certes, la CSG est une invention franco-française. Mais les Français ne sont donc assujettis à la CSG que dans la mesure où ils demeurent bénéficiaires de la protection sociale monopoliste de l'État. Ceci est capital pour l'avenir.

JG Malliarakis

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