Si, par strates successives, l’État s’est laissé envahir, en France, par la masse de cette immense fonction publique qu’il est incapable de contrôler et de réformer, ce n’est pas par hasard.
La faute essentielle en incombe au système français d’économie mixte.
On doit certainement tenir cette économie mixte pour responsable, par exemple, de certains aspects décisifs de la question si sensible, si politiquement incorrecte, de l’immigration et de l’insécurité. Quand on parle de l’insécurité dans les transports en commun, on n’oubliera pas que le règlement de la RATP est signé du préfet de Police nommé par le Gouvernement, et que celui de la SNCF est discuté en Conseil des ministres. Même la Croix, publiait le 30 mars un édifiant dossier soulignant cette paralysie. C’est aussi l’économie mixte qui a produit les cancers urbains et les ghettos ethniques des offices publics de HLM. C’est, enfin, l’énorme accumulation des allocations de toutes sortes qui a permis à une immigration d’assistés de succéder à ce qui était autrefois une immigration de main-d’œuvre.
Mais dans ce cas, comme dans celui du fonctionnariat généralisé, il est nécessaire de ne pas s’en tenir aux lampistes. Même quand ils sont insupportables et quand ils répondent à l’appellation dont l’argot des jeunes les qualifie, les fameux "racailles" ne sont pas les princes de l’économie mixte. Ils en sont la lie. C’est l’écume qu’il faut principalement observer, débusquer et réduire.
Or, si l’assistanat obéit à une loi paradoxale, celle de mourir de son succès, de sa propre paupérisation et de la révolte subséquente des assistés, l’économie mixte mourra, elle, d’une involution inverse, induite de sa prospérité. Il arrive, en effet, un moment où les mafieux et les parasites veulent jouer dans la cour des grands. Les profiteurs français de l’économie mixte veulent singer l’économie de marché. Les gestionnaires des monopoles nationaux veulent agir à l’international.
Nous ne décrivons pas ici une fiction mais une réalité. Tous les jours, France Télécom, ou l’EDF, ou le Crédit agricole, ou 36 autres structures étatiques françaises, prennent des participations dans des groupes étrangers, exportent ou développent des partenariats avec des privés. Ils veulent agir dans l’économie de liberté à l’extérieur. Cela leur interdira de demeurer éternellement dans un système dirigiste et monopolistique à l’intérieur.
La logistique et les finances de certains réseaux politico-philosophiques, d’une part, comme celles de la CGT, d’autre part, doivent beaucoup, l’une comme l’autre aux privilèges fiscaux et juridiques accordés en France aux affaires de mutuelles. Or, face à la réglementation communautaire, les mutuelles françaises ont été les premières à la fin des années 1980, à vouloir exporter leurs activités d’assurances au sein de l’Union européenne. Et c’est ainsi qu’elles ont obtenu de figurer comme relevant des Directives de 1992, abolissant tous les monopoles nationaux en théorie. Ces directives n’ont jamais été appliquées en pratique en France, car elles auraient eu pour effet de supprimer le monopole de la sécurité sociale sur les assurances maladie et vieillesse de base. Et puis, maintenant, au pied du mur, condamnées par l’Europe en 1999 (arrêt CJCE du 16.12.1999) les directions de ces mutuelles cherchent à établir un front commun pour, à la fois, maintenir leurs privilèges, et obtenir le droit d’exporter leurs activités.
Ce front commun est en train d’aboutir à la réintégration négociée des mutuelles communistes de la FMF au sein des mutuelles affairistes de la FNMF, qui fut le bastion de M. Teulade jusqu’en 1992, date où il devint ministre de Bérégovoy et où lui succéda M. Jean-Pierre Davant.
Derrière bien des débats, qui se veulent politiques, au sein de la gauche, derrière bien des mots d’ordre d’exclusion, qui se prétendent moralistes, se dissimule, en fait, cette évolution de l’économie mixte, et particulièrement de l’empire financier des mutuelles.
Ce qui semble aussi préoccupant dans cette évolution c’est l’incertitude profonde dans laquelle pataugent ceux qui prétendent s’opposer. Il est représentatif que, dans les cafouillages parisiens certains stratèges nous présentent comme sauveur et rassembleur, le revenant Balladur. N’oublions pas qu’en 1994, Balladur a été l’homme qui recula 2 fois d’une manière décisive. Il recula d’abord en janvier 1994 devant la mobilisation de la réforme de la loi Falloux, et en juillet 1994 devant une réforme des monopoles sociaux que l’Allemagne, elle, a eu dès cette époque le courage de commencer à mettre en place, alors que son système social est le plus anciennement enraciné d’Europe puisqu’il remonte à Bismarck. Balladur a liquidé l’espoir entre 1993 et 1995, avant de passer la main à l’autre liquidateur de l’espoir que fut à son tour Juppé de 1995 à 1997… Ce n’est pas d'eux que l’on peut attendre la liquidation de l’économie mixte.