Quel symbole que cette chasse aux loups organisée près de Digne par les bergers de Haute Provence ! C’est comme une transfiguration de notre État qui se veut protecteur, en un État qui se révèle destructeur.
Pendant des millénaires, les populations pastorales ont vécu dans la hantise du Loup. Certes, ce bel animal prédateur s’attaque aux troupeaux et rarement à l’homme. On l’a donc probablement accablé de reproches excessifs. Mais sa réhabilitation littéraire n’est pas une idée si neuve. Ceux qui ont ânonné le De Viris Illustribus en classe de 6e, ceux qui ont dévoré dans leur enfance aussi bien les légendes romaines que l’épopée du Loup gris turc en passant par le Livre de la Jungle ou Jack London, ceux qui ont été louveteaux., savent bien que l’on doit faire la part des légendes ancestrales et des réalités sociales ou économiques.
Reste que depuis plus de 1 000 ans existait en France dans nos cantons ruraux une fonction de lieutenant de louveterie reconnue par l’État jusqu’à une date récente. Elle n’était plus considérée que d’un point de vue honorifique. C’est dire qu’elle était donc devenue essentiellement désuète pour nos technocrates.
Au milieu des années 1980 cependant, l’État français décidait de réimplanter le loup dans des régions d’où il avait disparu depuis des siècles.
Le bilan de cette réimplantation est fondamentalement négatif, comme cela était d’ailleurs à prévoir. "Tout ce que nous propose le gouvernement est un effet d’annonce, commente un éleveur. Le loup est programmé génétiquement pour tuer des moutons. Les pseudo-moyens de protection ne servent à rien : ou ils sont inefficaces, ou ils renvoient le problème chez le voisin !".
Les conséquences de la présence du loup ne se mesurent pas seulement en nombre de bêtes dévorées, et indemnisées par le contribuable, mais également en troupeaux terrorisés, en conditions de vie encore plus dures imposées aux bergers. C’est ainsi : les moutons de France ne regardent pas les chaînes de l’audiovisuel public, qui leur semblent pourtant destinées, ni même CNN, car ils ne comprennent pas l’anglais. Ils ne connaissent pas la psychanalyse. Ils ont donc grand peur des loups… On estime à environ 10 % la perte de poids des ovins engendrée par cette peur. Pour les rassurer et les protéger, les bergers sont amenés à utiliser des chiens plus méchants. Ceux-ci attaquent les promeneurs, d’où une baisse de fréquentation touristique, et autres pertes économiques, dans ces petits paradis pastoraux que sont certains départements pauvres du sud de la France… Cela fait des années que tout le monde le sait. On évalue à 800 000 F ce que coûte un loup à la société.
Mais voilà : les écolos, alliés politiques du gouvernement de la gauche plurielle n’ont pas grand-chose à se mettre sous la dent. Il faut donc leur concéder divers gadgets. La chasse aux chasseurs a démontré ses limites électorales. Alors reste la réintroduction du loup dans les Alpes et de l’ours dans les Pyrénées.
Le gouvernement a présenté, au début du mois de mars son "plan loup", qui entend développer l’existence des loups dans les pays rattachés Mais les écolos en veulent encore plus car ils regrettent le confinement de l’animal sauvage "sur à peine plus de 1 % du territoire"
En face, et soutenus par les syndicats agricoles, les fédérations ovines et les chambres d’agriculture, les éleveurs provençaux refusent de "cohabiter avec le loup". On cite par exemple le cas d’un éleveur d’Arles, M. Jean-Pierre Jouffrey a perdu "101 brebis et 300 000 francs en 1998" et "63 autres bêtes en 1999", quand il transhumait avec 2 000 femelles dans le Dauphiné. Ceci vient à une période très difficile pour l’élevage ovin en France. 40 exploitations ovines disparaissent chaque semaine en France. Les cours de la viande et de la laine sont au plus bas. La moitié des revenus ovins français sont constitués d’aides européennes.
Le 1er avril, les bergers réunis à Salon-de-Provence ont adopté une motion demandant au Premier ministre de faire "parquer les loups" dans des espaces grillagés, "dans les zones où l’animal ne menacerait plus les troupeaux de moutons".
Le 2 avril, 700 bergers, dans les rues d’Aix-en-Provence, faisaient déambuler quelque 2 500 moutons, contre la présence des prédateurs dans les zones d’élevage.
Le 5 avril dans le massif des Monges, en Haute-Provence, était organisée une battue au loup symbolique, à laquelle participaient des éleveurs venus des départements voisins mais aussi de l’Isère, des Hautes-Alpes ou du Var, bergers retraités, et voisins solidaires.
Le président de l’association Sauvegarde de la transhumance, M. François Proust, avertit : "Si les pouvoirs publics n’écoutent pas les 180 députés qui ont conclu à l’incompatibilité du loup et d’un pastoralisme durable, il va falloir durcir nos actions."