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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 21 AVRIL 2000

DETTE SOCIALE

On a vu dans les journaux ces derniers temps fleurir certains échos favorables à la florissante CADES, Caisse d’amortissement de la dette sociale. Celle-ci faisait état (cf. communiqué du 3 avril) de résultats flatteurs pour 1999, par hausse du rendement de la CRDS (28,1 milliards en 99 contre 26,4 en 98) et cession d’immeubles (pour 1,5 milliard en 99).

On a même pu lire (cf. Les Échos du 17 avril) que le gouvernement pensait détourner les fonds de cet organisme, réputé excédentaire, et les affecter à des desseins plus vastes que ceux pour lesquels il a été conçu : le financement des retraites à long terme,.

Cela confirme la loi selon laquelle tout petit monstre social deviendra grand pourvu que le peuple ne s’en débarrasse pas.
Précisons quand même qu’il faudra à la CADES une croissance considérable et des résultats autrement plus élevés si on entend la faire servir à la garantie des retraites.

Et cela appelle aussi quelques remarques et éclaircissements sur la nature et l’ampleur de la Dette sociale.

La notion fantaisiste de Dette sociale a commencé à voir le jour au moment où l’on s’est préoccupé, en France, de faire semblant de prendre au sérieux les engagements signés à Maastricht en 1991.

Nous sommes contraints de rappeler qu’au moment même où se signait le traité de l’Union européenne, la France faisait adopter de nuit par l’Assemblée nationale une loi fourre-tout du 31 décembre 1991, où figuraient, à l’instigation de M. Bianco, alors jeune ministre chargé de la sécurité sociale, un certain nombre de dispositions liberticides. Celles-ci étaient clairement et intentionnellement contraires au Droit européen. La procédure par laquelle furent votés ces textes était entachée de nullité, en ce sens que personne au parlement ne s’est même rendu compte qu’il les avait votés. Et, au-delà même de cet aspect, presque pittoresque, ces textes sont nuls en droit strict. Ils sont en contradiction avec des dispositions communautaires supérieures au droit interne, ceci d’après la doctrine juridique française elle-même, confirmée par le Conseil d’État en février 1998.

À partir de cette date, on a vu se développer un certain nombre d’artifices, et la campagne de chantage qui se dit souverainiste en est une, tendant à empêcher toute véritable réforme de la protection sociale en France.

Au nombre de ces artifices, on doit enregistrer le fait que l’État français ne considère comme dette sociale que le déficit arithmétique, — le mot : "comptable" serait ici singulièrement dévalué — homologué par le système entre 1994 et 1996, puis les déficits des années 1997 et 1998, à hauteur de 224 milliards. Ni les engagements de l’ensemble des caisses, ni l’engagement contractuel de l’État français envers ses fonctionnaires de leur servir des pensions ne sont ni garantis par la puissance publique, ni même évalués à titre indicatif.

On veut occulter la dette sociale réelle de l’État français. C’est très grave. Elle peut s’évaluer, pour la seule capitalisation actuarielle de droits à retraite dans les régimes de répartition dits obligatoires, à plusieurs milliers de milliards de francs, peut-être 3 000 ou 4 000 milliards de francs français. Cet endettement implicite est à comparer au patrimoine de l’État inférieur à 2 000 milliards d’actifs financiers ou immobiliers qui pourraient devenir cessibles. Elle se rapporte à un État dont les recettes fiscales sont de l’ordre de 1 450 milliards des mêmes francs, et qui a beaucoup de mal à abaisser au-dessous de 200 milliards (14 % du budget de l’État) son déficit annuel.

La division de tous ces montants par le nombre magique de 6,56 va permettre d’écrire le mot "euro" à la place du groupe nominal "franc français". Mais cela ne changera rien aux proportions et aux pourcentages. Un budget ramené à 200 milliards d’euros en recettes et 228 milliards d’euros en dépenses cela fait toujours 14 % de déficit. Les rédacteurs du traité de Maastricht ont imaginé de rapporter ce déficit à l’agrégat de comptabilité nationale appelé produit intérieur brut. Le PIB de la France en 1999 aurait été de 8 800 milliards, ainsi 220 milliards de francs de déficit de l’État représentent 2,5 % environ du PIB.

Mais si l’Euro ne change pas la réalité, il impose certaines règles, notamment relatives aux dettes des États membres. On a écarté l’idée que la dette sociale puisse être une Dette d’État ou que la dette sociale comprenne des engagements implicites de l’État. L’État a même écarté la comptabilisation de ses propres engagements. Il l’a fait par la voix de M. Jospin à l’occasion de son discours devant le groupe PS de l’Assemblée nationale le 4 avril. Ce discours a été rendu public par les services du premier ministre le jour même (cf. notre Courrier du 5 avril). On peut donc en tenir l’annonce pour officielle.

Pis encore. L’institution de la CADES en vue de rembourser la dette évaluée fictivement à 224 milliards prouve bien, en elle-même, que l’État entend bien se défausser de ses engagements. Alimentée par un prélèvement parafiscal appelé CRDS, au taux fixé à 0,5 % de tous les revenus, cette CADES n’est pas dans le Budget de l’État… Bien plus, l’Europe a jugé que ce prélèvement, comme la fameuse CSG, n’étant destiné qu’à alimenter les recettes du système de sécurité sociale, est une cotisation sociale, et non un impôt., etc. Et en sont exclus les travailleurs frontaliers et aussi tous les Français qui ne sont pas affiliés au système de protection sociale.

Les excédents cumulés de la CADES représentent actuellement, au bout de 4 ans d’une CRDS prélevée à un taux surévalué, 17 milliards de Trésorerie. Or, ces sommes sont indispensables aux manœuvres de la Direction du Trésor. Elles servent actuellement à maquiller le déficit de la France au regard des critères de Maastricht, et à dissimuler que la France est devenue désormais le dernier pays de la zone euro pour la vitesse de diminution de son déficit.
Non, par conséquent, la CADES ne saurait raisonnablement servir à financer les retraites.

JG Malliarakis
© L'Insolent
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