Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ...
COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 2 JANVIER 2001
LEURS VUX ET LES NÔTRES
Les deux principaux représentants de la classe politique, le chef de l'État et le chef du Gouvernement ont donc rituellement adressé leurs vux aux Français. Le premier a utilisé les ondes hertziennes au soir du 31 décembre, le second s'était exprimé dans le Journal du Dimanche le matin même.
M. Chirac a souhaité "que 2001 soit une année de progrès pour l'environnement, pour notre patrimoine naturel, pour les couleurs de notre vie quotidienne, pour la qualité de notre vie". Le Premier ministre pour sa part avait souhaité aux Français que l'an 2001 "soit un temps d'espoir et de réussite".
Grâce à M. Jospin, si nous avons bien compris son message, "le chômage reflue mois après mois, l'exclusion commence enfin à régresser. Le visage de notre pays s'est décrispé. Une nouvelle France se dessine sous nos yeux. La France commence plutôt bien ce siècle neuf. Elle a repris confiance Les Français se disent heureux". Merci qui ? Inutile par conséquent de procéder à des litanies, mêmes républicaines "pour la salubrité l'air, l'abondance des fruits de la terre et des temps de paix."
Grâce à M. Chirac nous savons que "la situation économique nous donne aujourd'hui les moyens et notamment les moyens financiers d'agir. C'est le moment de le faire".
"Si le passage à l'an 2000 a été célébré dans le monde entier comme le commencement d'une époque nouvelle, l'année 2000 fut, en réalité, une prise de conscience". "Conscience des risques que peuvent engendrer l'activité humaine, l'invention humaine quand elles ne sont pas assez maîtrisées.
Maîtrisées par qui ? Par les hommes de l'État bien entendu.
"Conscience de la fragilité de la vie humaine, et de l'inégalité face à la santé. Prenez l'exemple du Sida. Il frappe de plus en plus et partout dans le monde. Nos sociétés doivent, plus que jamais, rester mobilisées, actives et vigilantes. Mais les traitements dont bénéficie l'Occident restent aujourd'hui inaccessibles aux malades des pays pauvres. Cette injustice doit être combattue".
Combattue par qui ? Par les hommes de l'État tout naturellement
Bref "L'avenir est entièrement à construire"
Qui va le construire sinon l'État ? Car "il faut une volonté nationale, un enthousiasme collectif et il faut avancer sans attendre demain."
Il nous a été révélé, de plus, que "la France se bat pour que le sens de la responsabilité collective l'emporte sur les intérêts particuliers. Son combat doit être celui de toute l'Europe." L'ambiguïté de cette phrase explique bien des incompréhensions de la réunion de Nice en décembre. Car "toute l'Europe" ne comprend pas que la France seule puisse "se battre" en son nom, sans trop demander leur avis à ses 14 partenaires
Disons le tout net. Il semble que les vux réels des Français réels soient un peu moins grandiloquents et un peu moins étatistes que ceux des représentants de l'État.
Un état plus modeste, plus conscient de ses carences, plus résolu à se réformer, serait sans doute plus convaincant quand il parle de "volonté nationale" par la bouche de M. Chirac ou de "nouvelle France" sous la plume de M. Jospin.
Enfin, quand le chef de l'État déclare "qu'il n'est pas possible qu'une partie de la population se sente parfois abandonnée de tous, et d'abord de l'État," on serait prêt à le suivre si on ne redoutait que l'État, dont il est le chef, ait de la sorte l'ambition de nous étouffer en nous embrassant, encore plus, de son immense sollicitude envers nous.
Les Français, qui payent pour entendre des choses pareilles, aimeraient sans doute que les hommes de l'État se servent un peu moins de leurs propres échecs pour nous convaincre, à nos frais, de faire encore plus appel à leurs services.
Les vux des hommes de l'État sont leurs vux. Les nôtres sont les nôtres.