Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ...
COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 11 JANVIER 2001
LES SALAIRES ? PARLONS-EN !
C'est évidemment à juste titre que, pour la majorité des Français qui travaillent, la question primordiale est celle de leur salaire. Il a fallu "oser" demander à la SOFRES de sonder un échantillon représentatif. Les téléphones ont crépité auprès de quelques centaines de citoyens. Les sociologues ont appliqué la méthode fameuse des quotas, autrement dit : ils ont mis en place un calcul matriciel savant. Les opérations sont ici d'autant plus perfectionnées du point de vue mathématique que les découpages dits socioprofessionnels sont plus approximatifs. Et ils l'ont appliqué à des réponses vagues données sur la base de questions ambiguës. Et tout ça pour nous dire que la première préoccupation pour 44 % des Français est d'avoir une augmentation de salaire, devant celle de "garder un emploi" (37 %) et celle d'avoir "de meilleures conditions de travail" (31 %), Ces deux autres préoccupations sont d'ailleurs évidemment légitimes.
L'enquête nous démontre aussi que les Français sont beaucoup moins excessivement optimistes qu'on veut bien nous le seriner quotidiennement. Car 53 % des salariés du secteur privé craignent pour leur emploi.
Cette enquête est à vrai dire la bienvenue. Elle a été effectuée, signale l'agence France-Presse, non sans dédain, pour "un groupe de journaux de province". Est-ce parce que la presse régionale est plus proche des préoccupations réelles des Français réels ? Ou est-ce parce qu'elle est moins tributaire des modes et des interdits alimentaires parisiens ?
Cette enquête contredit l'orientation sociale actuelle du gouvernement. Sa politique, depuis 1997 a pratiqué les priorités inverses : 1° d'abord les 35 heures, à tout prix ; 2° ensuite les subventions à l'apparence de la diminution du taux statistique de chômage, en particulier par l'illusion des emplois jeunes ; 3° et enfin, très loin derrière, le niveau des salaires.
Il est sans doute charitable de "penser", d'abord et toujours, aux plus démunis. C'est recommandé si l'on désire la considération de sa conscience et surtout celle de sa concierge. Il sera très chic demain, et démodé après-demain, de dire, à l'américaine, que c'est "compassionnel". Soyons super chics et lançons la mode. Mais il se trouve que, là aussi, le peuple réel ne songe pas, s'agissant du niveau des salaires, au taux nominal du Smic fixé par décret. L'aspiration générale des individus est de voir leur rémunération personnelle augmenter, et ceci non par décret mais par contrat, par une montée dans la hiérarchie de l'entreprise, par une plus grande qualification, par une participation de fait aux résultats de l'entreprise.
Le gouvernement a donc "tout faux" sur cette question. Bien entendu, faisant mine de se préoccuper des rémunérations, il écoute d'abord les syndicats de la fonction publique et assimilés, entre 2,5 et 6 millions de personnes, selon la manière de les comptabiliser. Or, leurs bureaucraties veulent des progressions indiciaires généralisées. Elles s'agitent auprès de ceux (la différence entre 2,5 millions et 6 millions) dont les statuts sont les plus fragile pour leur faire miroiter la fonctionnarisation. Et elles entraînent, à leur tour, les fédérations syndicales du secteur privé pour les amener à des revendications convergentes aux leurs.
Ces démarches des bureaucraties pseudo syndicales ne reflètent en rien les demandes des 14 millions de salariés du secteur privé, productif et concurrentiel. Et elles ont très peu d'impact.
Au lieu d'imposer aux entreprises des hausses de prix de revient qu'elles ne peuvent pas assurer, l'État ferait mieux de se demander quelle part du tribut il peut supprimer uniformément. Si demain une alternance peut se produire en France l'une des épreuves majeures à laquelle on pourra juger de la crédibilité d'une nouvelle majorité et d'un nouveau gouvernement sera la part faite à des allégements uniformes.
Toute exonération partielle est en effet à la fois un leurre et une augmentation déguisée de la charge générale, dès lorsqu'on ne touche pas à la dépense publique. Elle a donc un effet négatif sur le niveau des salaires. La décision du Conseil constitutionnel en date 29 décembre a donc des effets positifs. Certes, elle est fondée sur des principes généraux arbitraires. Mais elle a heureusement chamboulé la tentative d'exonération partielle de la CSG. Il eût été cependant encore meilleur qu'un véritable vote du parlement supprimât cette CSG, diminuât les prélèvements obligatoires, et augmentât par là même le salaire net des Français.
Car, bien évidemment, mais l'enquête ne nous le dit pas, ce qui préoccupe légitimement les salariés français, s'agissant de leur feuille de paye, ce n'est pas le niveau de leur rémunération brute c'est celui de leur salaire direct. Mais là, chut ! Le concept même est politiquement incorrect. La liberté fait peur