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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 15 JANVIER 2001

ÇA RESSEMBLE À L'IMPÔT NÉGATIF

On dispute avec beaucoup d'entrain, ces derniers jours, d'un crédit d'impôt inventé, au profit des pauvres, par le gouvernement Jospin.

Le produit est nouveau, il vient de sortir. Comme les sources sont rares, nous rappellerons ici de quel matériau se compose le socle de ce débat. Une discussion aurait eu lieu, le 10 janvier au Conseil des ministres, et M. Jospin aurait décidé, presque secrètement, mais bien sûr au nom du peuple français, de modifier la Loi et la Fiscalité. Le maître est bon prince. Il a donné des indications sur sa décision, d'abord, au matin du 11 janvier, dans le cadre d'un de ces discours d'autosatisfaction dont il cultive la recette. Sur le sujet de ce crédit d'impôt, il s'explique en 7 lignes perdues dans un texte s'étalant sur 8 pages. Puis, "après dîné", c'est-à-dire vers 15 heures, au lieu d'aller mourir bêtement comme Monsieur de Bergerac, il s'est rendu dans la cage aux lions courtois des questions sénatoriales. La séance était présidée par M. Christian Poncelet. Et il a exposé son projet, débordant, mais à peine, son temps réglementaire de 150 secondes.

Tout cela est encore bien laconique. Et cependant le propos gouvernemental est clair en matière de crédit d'impôt. Il ne s'agit en rien d'un projet d'inspiration libérale. Si vous en doutez, lisez l'intégralité des déclarations du premier ministre. Il s'agit seulement et explicitement, pour lui, de tourner la décision du Conseil Constitutionnel n° 2000-437 DC du 19 décembre censurant, au nom de l'égalité devant l'impôt, l'exonération de CSG, article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale.

Cette décision, ponctuellement heureuse, est au fond parfaitement arbitraire et opportuniste. Si on suit la nouvelle logique du Conseil Constitutionnel, la progressivité de l'impôt sur le revenu semble, elle aussi, contraire à l'égalité. Pourquoi donc s'arrêter en si bon chemin, sinon pour sauver un dispositif destiné lui-même à étatiser la sécurité sociale ? Et comme, en France, nous connaissons peu de lois qui ne violent, ou bien les libertés élémentaires, ou bien les propriétés individuelles, ou bien l'égalité des citoyens, ou bien la fraternité des Français, eh bien le Conseil Constitutionnel serait en puissance de faire singulièrement maigrir nos innombrables Codes et de priver la maison Dalloz d'un de ses plus fructueux fonds de commerce.

Nous ne sommes pas ici dans le registre du Droit. Nous sommes dans un processus de création continue, par un gouvernement de démagogues, d'allocations additives à finalités électorales. M. Jospin, vient dans le sillage parfumé de l'élégante Mme Guigou. Il cherche, pour 2002, les voix des 8 ou 9 millions de Français qui recevront en septembre 2001, si Dieu prête vie au projet, une feuille d'impôt négatif assortie d'un chèque. La logique de la gauche caviar est de montrer qu'elle a ses innombrables pauvres, auxquels elle saupoudre une aumône bien consolante, après les avoir enfermés dans la logique d'assistanat. Et elle a le toupet d'accuser les gros bourgeois égoïstes de droite, osant refuser ce qui n'est pas encore un droit légal, mais déjà comme un dû moral.

Cette logique induit une nouvelle dépense publique, donc une fiscalité supplémentaire.

C'est ce que M. Blondel dénonce à juste titre dans Libération (12 janvier) "C'est une usine à gaz qu'on est en train de construire. De plus, les dispositions de cette nature, on a toujours la tentation plus tard de les pervertir, ou du moins de les transformer. La CSG désormais, c'est avoir la tentation de geler le Smic, et d'augmenter la " prime " de l'État pour les bas salaires. C'est une vision d'assistante libérale. Michel Rocard, le père de la CSG, reconnaît-il son enfant aujourd'hui ?" Que cela vienne de FO, embourbé dans des considérations discutables, n'empêche pas de constater qu'il n'y a aucune faille dans ce raisonnement.

De ce développement de la dépense publique, on trouve une annonce sur le mode qu'on lui connaît par le chef de l'État dans son discours de vœux du 8 janvier aux Forces vives de la nation et aux gardiens de musées : "La France doit profiter de la croissance pour parvenir rapidement à un équilibre durable de l'ensemble des comptes publics, y compris nos systèmes de retraite, et pour faire repartir l'investissement public."

On nous assure par ailleurs que M. Balladur labellise le projet Jospin au titre de l'impôt négatif. Nous disons respectueusement à Sa Béatitude Mgr l'Archimandrite et Protonotaire Édouard qu'il se fourvoye dans l'erreur. En effet, ce projet d'allocation n'en supprime aucune autre. Milton Friedman inspirateur de l'impôt négatif en a fustigé l'hérésie dès 1975 (cf. Two Lucky People par Milton et Rose Friedman pages 591 à 594)

Oui, ça ressemble à l'impôt négatif. Comme M. Tapie ressemblait à un entrepreneur.

Caïn, déjà, ressemblait à Abel.

JG Malliarakis
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