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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 22 JANVIER 2001
LES RÉSULTATS COMPTABLES SONT À LA MESURE DU DÉFICIT MORAL
Le 21 janvier au soir sur la chaîne d'État FR3, M. Alain Juppé plastronnait sur le thème de la reconstruction de la droite.
Ce n'est qu'à moitié surprenant. Pour tous les stratèges de la droite politique française, l'âge d'or de référence reste le 2e gouvernement Juppé constitué en novembre 1995 et qui fut balayé par le suffrage universel en mai 1997.
En février 1996 on décida même de réformer la Constitution pour pouvoir mettre en place la plus grande opération d'étatisation de l'histoire en faisant complètement passer la sécurité sociale et ses quelque 1 800 milliards de prestations dans le giron de l'État.
Dois-je rappeler, avec le mauvais goût qui me caractérise qu'alors, non seulement la CFDT, représentée par M. Spaeth président de l'assurance maladie, nommé par Juppé en juillet 1996, mais également la bureaucratie patronale représentée par M. Jollès vice président de l'Union patronale textile, mais également toute la bonne droite bien conformiste, dès le 15 novembre 1995, avaient applaudi au plan Juppé.
Ah c'était un bon tour joué à Force Ouvrière et aux partisans de l'autogestion !
Ah c'était une belle idée que de s'appuyer sur les mutuelles monopolistes mais aussi sur Axa pour mettre en place le rationnement des soins et la maîtrise comptable !
Comme cette affaire est argumentée en terme de coût pour l'économie nationale je voudrais signaler que même la prétendue maîtrise comptable se traduit par un échec arithmétique.
En l'an 2000 les dépenses de l'assurance maladie ont grimpé plus de 2 fois plus vite qu'elles n'avaient été planifiées par le législateur : + 5.9 % sur l'année au lieu de 2,5 % prévus et votés dans le cadre de l'ONDAM, sigle technocratique désignant l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
L'ONDAM est, en théorie, un objectif fixé par le Parlement. À quoi ce vote sert-il ?
"Le fait marquant de l'année 2000 est bien la forte croissance de la consommation médicale", notait le 18 janvier la CNAM, qui souligne notamment la croissance des soins de ville de 8 % sur un an.
Avec les informations disponibles pour les deux autres principaux régimes monopolistes, la CANAM des indépendants et la MSA des agriculteurs, la croissance des soins pour tous les régimes se situe à +7,7 %, et représente 308,6 milliards, soit un dépassement de 17 milliards par rapport à l'objectif initial qui était de 291,6 milliards.
Dans le cadre de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, les dépenses déléguées aux trois caisses monopolistes, représentant près de la moitié des soins de ville, auraient un taux de croissance de +5,8 % pour la CNAM et de +5,5 % tous régimes confondus : l'objectif étant de +2 %, le dérapage comptable atteint presque le triple. Les "dépenses déléguées" sont des objectifs de dépenses ; Elles concernent les honoraires des médecins, des dentistes et sages-femmes libéraux, des infirmières, kinés, orthophonistes et orthoptistes, mais aussi des laboratoires d'analyses médicales et des ambulances.
"Les tendances actuelles sont significativement supérieures aux tendances des deux années précédentes", remarque la CNAM. "Les dépenses déléguées remboursées durant l'année 2000 par l'ensemble des régimes devraient atteindre 145,6 milliards, ce qui représente un dépassement de 5,2 milliards par rapport à l'objectif". Le déficit comptable est à la mesure du déficit moral et social.
On peut voir aussi en termes humains que la France manque d'infirmières libérales, ce qui conduit à hospitaliser un plus grand nombre de vieilles personnes, à des frais très élevés et bien entendu en recul de leur qualité de vie. De même les campagnes commencent à souffrir d'une vraie pénurie de généralistes. De même les chirurgiens commencent à manquer dans les hôpitaux
Voile la rançon inéluctable de toute politique de planification d'État. Voilà le beau succès du plan Juppé. Et c'est pour accélérer ce plan, pour entrer plus vite dans les critères de convergence monétaire apparente déterminés par le traité de Maastricht que l'on avait dissous l'assemblée en 1997. On pouvait croire alors que l'inspirateur de cette planification et de cette dissolution aussi désastreuses l'une que l'autre, ce premier ministre vomi par le peuple, le technocrate Juppé serait au moins disqualifié pour longtemps, réduit à un exil trop confortable à Bordeaux. Hélas ! Le revoici