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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 23 JANVIER 2001
POLICIER UN MÉTIER SINISTRÉ
Elle était impressionnante hier à Narbonne, cette marche régionale contre la montée de violence.
Ces dernières semaines, en à peine un mois, exactement du 20 décembre au 20 janvier, 5 représentants de l'ordre public sont ainsi tombés dans cette la région languedocienne.
Et ce dramatique décès d'un jeune policier de 22 ans a aussi un caractère social et syndical auquel on devrait réfléchir.
Les policiers français ne disposent pas du droit de grève. Ils reçoivent en compensation une indemnité spéciale qui représente quelque 18 % du traitement d'un inspecteur moyen. Cet avantage les désavantagerait plutôt. Prenant leur retraite à 55 ans, cette partie de leur rémunération n'est pas comptabilisée. Il en va de même pour tous les fonctionnaires s'agissant de leurs diverses primes.
Or, ce dont souffrent d'abord les policiers de France, c'est de se voir rogné progressivement leur statut moral et légal. Tout est fait, par exemple dans le cadre de la Loi sur la Présomption d'Innocence, pour avantager le malfaiteur et son avocat, au détriment de la victime et du policier enquêteur.
Mais, bien entendu, cette profession vilipendée, ouvre les yeux sur les comparaisons d'ordre matériel et salarial. Au sortir de la faculté de Droit leur rémunération est 3 fois moindre que celle d'anciens camarades avec des avantages retraites qui s'effilochent, et qui s'effilocheront de plus en plus. Alors, il ne faut pas s'étonner de voir, petit à petit, les candidats déserter les concours de la fonction publique policière.
Au milieu des années 1980, par exemple, les candidats au concours externe d'officier de police étaient au nombre de 25 000 environ. En 1995, pour 350 postes à pourvoir, il y avait 5 300 candidats. En l'an 2000, ils n'étaient plus que 3 000 candidats pour 450 postes à pourvoir. Ceci représente une chute de 43 % en 5 ans. Ce métier n'intéresse que de moins en moins les jeunes Français. Ce n'est faute ni de feuilletons télévisés débilitants nous montrant une police sociale, ni non plus du développement des effectifs. La chute de 43 % du nombre des effectifs des 5 dernières années intervient à un moment où les postes offerts augmentent, eux, de 28 %. Quant aux besoins On remarquera simplement que le nombre de départs en retraites des officiers de police serait en 2001 de 600 en tenant seulement compte des gens atteignant l'âge requis. Mais il sera probablement de 1 000, pour 450 postes offerts au concours externe.
En même temps cette profession qui recrute ses officiers au moins à bac +2, et ses gardiens au niveau du baccalauréat, compte, pour chaque promotion d'officiers au moins 70 % de Bac +4, pour des rémunérations brutes de l'ordre de 10 000 F à 12 000 F soit 8 500 F nets, avec en prime l'insulte quotidienne.
Le jeune policier délibérément assassiné à Pézenas le 20 janvier était, nous précise-t-on, titulaire d'un emploi jeune. Or, on lisait dans La Dépêche de Toulouse du 22 janvier cette indication à la fois fort utile et fort questionnante : "il allait rejoindre dans quelques semaines l'école de Police".
On lui souhaite, rétrospectivement hélas, au moment des faits, de ne plus avoir été dans le cadre des emplois jeunes inventés par Mme Aubry en 1997.
Car dans un tel cas, il n'avait pas à être à un carrefour routier. Ses droits étaient nuls. Et l'État se serait totalement désintéressé de son sort si, par exemple, il était sorti de cette affaire infirme à vie.
Un emploi jeune, un adjoint de sécurité "ADS", doit être affecté non pas à un carrefour mais à des tâches d'accueil, d'administration, ou de conduite de véhicules. Ils ne devaient pas, en principe, être armés. En fait, ils sont le plus souvent armés.
Ces policiers au rabais désertent eux aussi les fonctions qui leur sont proposées. À Paris, ils devaient être 3 000. Ils sont à peine 1 500. 70 % de ces adjoints de sécurité résilient leurs fonctions avant 3 ans. Et on aimerait bien savoir, au total, sur les 20 000 ADS promis par Chevènement, combien sont aujourd'hui en fonction. 20 % seulement vont au concours de gardien de la Paix. Mais ils y vont au concours externe. Ajoutons que pendant leur temps de service comme emplois jeunes, ils n'acquièrent aucun droit social relativement à l'assurance vieillesse, puisqu'ils sont au service de l'État comme contractuels, et non comme fonctionnaires.