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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
JEUDI 25 JANVIER 2001
POURQUOI UNE MOBILISATION EN TROMPE L'IL ?
La mobilisation syndicale d'aujourd'hui, "pour défendre les retraites" est essentiellement une imposture et ne doit tromper personne.
Depuis plusieurs mois le Medef était parvenu à rompre l'unité des centrales syndicales salariales et à obtenir le soutien des deux autres mouvements patronaux, la CGPME supposée représentative des petites et moyennes entreprises et la fantomatique UPA. Cette situation était constitutive de ce que le Medef appelle la refondation sociale, à base d'entente entre un patronat actif et des syndicats réformistes, principalement la CFDT, mais aussi la CFTC et à un moindre titre la CGC. Cette dernière préside en la personne de M. Cazettes la Caisse nationale d'assurance vieillesse et a toujours considéré l'AGIRC, institution coiffant les organismes de retraite des cadres comme son bastion. Et il est vrai que c'est bien la retraite des cadres qui constitue en France la pierre angulaire du problème des retraites dans le régime de répartition.
Sur l'assurance chômage le Medef avait avec lui la CFDT, la CFTC, le CGPME, l'UPA, et finalement aussi la CGC. Il n'a contre lui que la CGT et Force ouvrière.
Sur la réforme des retraites complémentaires, au contraire, il a contre lui, tout le monde et aussi le gouvernement. Quand je dis tout le monde, je dis toutes les bureaucraties.
Car les cotisants actuels et futurs retraités ne s'y trompent pas. L'opération politique visant à proroger l'ASF finançant le complément de ressources permettant de maintenir la retraite à 60 ans jusqu'en 2002, ne trompe évidemment pas ceux qui prendront leur retraite plus tard et la prendront à 65 ans ou plus, en ayant payé intégralement le complément de retraite de ceux qui continuent à la prendre à 60 ans.
La mobilisation d'aujourd'hui n'aura pour elle aucune sympathie chez les salariés et les travailleurs indépendants du secteur productif privé âgés de moins de 55 ans.
L'imposture a été assez clairement dénoncée par M. Ernest-Antoine Seillière sur RTL (hier, 24 janvier) et il a dénoncé le fait que des fonctionnaires participent à une mobilisation pour défendre la retraite à 60 ans dans le secteur privé. Le président du Medef a déploré qu'on soit "en train de grossir et de dramatiser une situation" sur ce sujet des retraites complémentaires.
"Bien entendu, quand on dit retraite, tous les nostalgiques de 1995, les gens qui se rappellent ce grand événement qu'a été le blocage de la France, se disent : ah, ah, il y aurait peut-être une occasion de faire pareil alors cela les met en forme".
"S'il vous plaît demain dans les manifestations organisées par les syndicats sur la retraite, que ceux qui sont des salariés jeunes et actifs du privé veuillent bien prendre un petit drapeau à la main", a ajouté M. Seillière. Il a même précisé : "il y aura des retraités parce qu'ils ont de l'inquiétude et ils ont tort (1), il y aura bien entendu beaucoup de fonctionnaires parce qu'eux, ils ont d'énormes privilèges en ce qui concerne la retraite par rapport au privé. Cela ne nous impressionne en rien, a ajouté M. Seillière, nous ne sommes pas un gouvernement, nous sommes un gestionnaire de système de retraite complémentaire, d'ailleurs on se demande un peu ce que les entrepreneurs font là-dedans, entre nous".
Comment ne pas agréer ces sages propos, et particulièrement le dernier qui nous semble la clé des difficultés françaises à réformer le système social. La responsabilité des prédécesseurs de M. Seillière est à cet égard considérable. Si l'État se trouve amené à "mettre la main" sur le système ASF et sur la gestion des retraites complémentaires il devra expliquer en quoi il est fondé à imposer un système qu'il ne garantit pas et que le traité de Maastricht lui interdit désormais de garantir, car une telle garantie augmenterait considérablement sa dette et elle aurait dévalorisé considérablement le franc au moment de la définition de sa parité de conversion en Euro Aujourd'hui c'est trop tard et sans doute le gouvernement le sait-il.
Voilà ce que l'on a caché aux Français. Aujourd'hui la retraite à 60 ans est considérée comme un acquis intangible de l'ère Mitterrand et du gouvernement d'union de la gauche de 1981. C'est la copropriété indivise des socialistes et des communistes, ni les uns ni les autres ne veulent montrer qu'il faudra y renoncer. Pour nier l'évidence on a fabriqué cette grève manif en mobilisant certains syndicalistes du transport en commun qui devraient demeurer en dehors du débat du régime salarial car les cheminots sont assujettis à un régime spécial extrêmement coûteux pour la collectivité (mais qui ira en s'appauvrissant)
Le gouvernement est dans une position fausse : si la CGT et le parti communiste désirent aboutir à une situation de rupture, les ministres eux appellent à la reprise d'une négociation alors que le Medef lui semblerait presque s'en désintéresser M. Seillière a ainsi déclaré à propos de l'ASF : "Si la négociation ne débouche pas, et bien qu'est-ce que vous voulez, l'État gérera, ce ne sera pas non plus un drame". La vérité est que ce sera une situation très dommageable pour les futurs retraités que de renoncer à réformer le système encore pendant 2 ans, au moins jusqu'en 2002, soit 11 ans après le Rapport Rocard de 1991. La vérité est que la France vit sous un régime constitutionnellement autoritaire qui n'a aucune autorité dès qu'il s'agit d'imposer une réforme sérieuse.
(1) ??? j'en suis moins sûr...