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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
VENDREDI 26 JANVIER 2001
C'EST CONTRE LEUR RETRAITE QU'ILS ONT MANIFESTÉ
Inquiets, à juste titre, pour l'avenir de leurs régimes de retraites spéciaux, et le plus souvent privilégiés, de très nombreux fonctionnaires étaient, officiellement, dans les rues de Paris et de villes de province au cur des cortèges du secteur privé qui croyaient manifester, eux, "pour" la défense de leurs retraites complémentaires et la retraite à 60 ans.
5 fédérations de fonctionnaires sur 7 (CGT, FO, FSU, CFTC, CGC) avaient donc appelé les salariés du public à "manifester sur la base des solidarités entre salariés du privé et du public" pour "la défense des droits à la retraite à 60 ans et 37,5 annuités à taux plein pour tous". Quelquefois rassemblés sous des banderoles "Privé-public : même combat" ou "Touche pas à ma retraite !", la plupart des fonctionnaires manifestants à Paris étaient mêlés aux salariés du privé. Tous affichaient une double détermination : la solidarité avec leurs collègues du privé, certes, et surtout refus d'un allongement de leur durée de cotisations.
"Qu'est-ce que vous croyez, tout le monde est logé à la même enseigne, dans le privé comme dans le public", estime ce fonctionnaire aux impôts de Bordeaux."Et c'est encore et toujours ce même mouvement par le bas. Je suis plutôt pour la négociation, mais des fois ça ne suffit pas".
Ce qui les a poussés à rejoindre les rangs des salariés du privé demande ingénument l'Agence France Presse ?
Les bureaucraties syndicales mettent en avant la crainte que le mot d'ordre du Medef de boycotter l'ASF, structure qui finance la retraite à 60 ans pour les salariés du privé, ne fasse tache d'huile sur leurs régimes particuliers, et ne remette donc en cause leur durée de cotisation fixée à 37,5 annuités.
Cette inquiétude est bien clairement attisée par les déclarations de Lionel Jospin qui avait évoqué en mars 2000 un possible allongement de la durée de cotisation.
"Les quarante ou quarante-cinq annuités de Seillière, ça se profile dans l'horizon de tout le monde", renchérit la camarade Anne-Marie Martin, secrétaire nationale Unsen-CGT (Enseignement, recherche et culture), s'exclamant : "On ne veut pas la retraite à titre posthume !". "On n'est pas nés que pour travailler", poursuit-elle.
Des postiers aux infirmières en passant par les gaziers et les professeurs, c'est l'unanimité : "S'il faut refaire décembre 1995, on n'hésitera pas. "On a fait sauter Juppé sur les retraites, on peut en faire sauter d'autres !", lance un agent de France Télécom.
"La forte mobilisation d'aujourd'hui augure d'une mobilisation future", estime une enseignante, citée par France Presse, et elle ajoute : "Si on n'obtient rien sur les salaires, et si en plus on nous prend nos années de cotisation, alors ça va aller crescendo ! Le processus de 1995 est à nouveau en place".
Tout cela est bien révélateur de la confusion dans laquelle la France se complaît.
Aucun défenseur de la Liberté sociale n'est "pour" ou "contre" la retraite à 60 ans.
Cette question ne se pose que dans un régime de répartition.
Dans un régime de liberté de l'épargne personnelle, la retraite est parfaitement envisageable à tout âge, en fonction des montants épargnés qui doivent être simplement déductibles dans un plafond du revenu imposable.
Les bénéficiaires des actuels régimes de retraites à âge privilégié (55 ans s'agissant de métiers le plus souvent sans danger par exemple) doivent pouvoir échanger ce privilège contre une rémunération plus élevée, leur permettant de choisir entre une retraite plus tardive mieux rémunérée et une retraite plus rapide.
Que vont obtenir fonctionnaires et bureaucrates coalisés pour le maintien des cotisations ASF ? Ils vont obtenir que l'État légifère pour imposer ce maintien. Il ne le fera qu'à titre provisoire et les régimes de répartition peu performants seront, tôt ou tard, contraints d'allonger les durées de cotisations, puisque les taux ont atteint leurs niveaux maximums.
Les actifs auront donc cotisé pour l'ASF, sans pouvoir bénéficier demain de la retraite à 60 ans du fait de la répartition.
Ils croyaient manifester "pour" la retraite. Ils ont manifesté contre leur retraite.
Cela est lamentable, Et les premiers responsables sont les bureaucraties syndicales et les hommes politiques qui ont peur des mots, et peur de dire aux Français la vérité sur les retraites. La vérité, dans les pays industriels, c'est que les retraites n'ont de perspective d'avenir prospère qu'en s'appuyant sur des fonds pensions libres et concurrentiels.