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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 5 FÉVRIER 2001
CE QUI PARALYSE LA RÉFORME EN FRANCE
Dans cette deuxième moitié de janvier, deux pays industriels majeurs, il s'agit tout simplement de l'Amérique et de l'Allemagne, ont pris un virage radical dans la définition de leurs politique d'action sociale. En même temps, la France, elle, par une mobilisation à la fois considérable et artificielle, le 25 janvier, a tourné le dos à la moindre réforme des régimes d'assurance vieillesse du secteur privé.
Le plus extraordinaire est que, sur les 200 000 manifestants rassemblés le 25 pour bloquer, par quelque 60 cortèges, toute idée d'une évolution future des retraites complémentaires du secteur privé, ce sont probablement les 3/4 des gens qui se trouvaient dans la rue, qui n'étaient en rien concernés par les propositions du MEDEF.
Je ne cherche ici ni à dénigrer ni à tresser des couronnes aux stratèges du patronat français. On comprend mal comment, après avoir réussi à détacher les syndicats réformistes, notamment la CFDT de Nicole Notat et la CFTC, l'une et l'autre arrachées au bloc de Force Ouvrière et de la CGT sur l'assurance chômage, ils sont parvenus à reconstituer contre eux-mêmes l'unité des bureaucraties syndicales. Peut-être MM. Kessler et Seillière ont-ils sous-estimé la part du phénomène communiste, à la fois au sein des appareils syndicaux français, et au cur des institutions de la sécurité sociale française.
Je voudrais donc rappeler cette part à ceux qui croient le phénomène mort et enterré.
Tout d'abord, il faut comprendre que tout le dispositif a été cadré en 1945, non par le général De Gaulle comme le répètent naïvement les perroquets, - y compris l'actuel président de la république venu faire son petit discours d'anniversaire en septembre 1995 à la Sorbonne, - mais par le ministre communiste Ambroise Croizat.
Le gouvernement de l'époque avait un caractère provisoire. Il ne découlait d'aucune élection, d'aucune constitution (elle sera adoptée en 1946), ni d'aucun support résultant du suffrage universel (la 1re Constituante sera élue le 21 octobre 1945). Ce gouvernement avait confié le 10 septembre 1944 à Croizat le ministère du Travail cependant que le ministère de la Fonction publique avait été attribué à Maurice Thorez. C'est de cette époque que date l'inoxydable statut de ladite Fonction publique. De 1945 à 1947, jusqu'à l'expulsion des communistes laquais de l'Union soviétique, furent mises en place les 138 premières caisses de sécurité sociale. C'est de ces caisses que sortirent les premières Union de recouvrement appelées Urssaf. Et les premières orientations du système remontent à cette période. Jamais les gouvernements successifs, ni ceux de la IVe république, ni les ordonnances signées par le général De Gaulle en 1967 et confectionnées sous la houlette de Jean-Marcel Jeanneney, ni le plan Juppé de 1996 n'ont su ni voulu la remettre en cause.
Loin de faire évoluer le système vers plus de liberté, la caractéristique des ordonnances sociales de la Ve république, en 1996 comme en 1967, aura été de rendre la sécurité sociale, de fondation communiste, encore plus étatique et contraignante.
En 1950, Croizat prononçait son dernier discours à l'Assemblée nationale sur le thème de la sécurité sociale : "Jamais, avertissait-il clairement alors, nous ne tolérerons que soit rogné un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès."
Et lorsqu'on enterra le vieux stalinien au Père Lachaise, le 10 février 1951, le Parti mobilisa plusieurs centaines de milliers de stalino-cégétistes de l'époque.
Ne croyez pas que le même parti ait évolué d'un seul pouce sur de telles positions. Au contraire il vient de fêter le centenaire de Croizat, qui était né en janvier 1901. Certes, le nombre des manifestants cégétistes s'est divisé par 4 ou 5. Mais comme le nombre des militants de la Liberté s'est divisé par 10, comme toutes les salles de rédaction ont expulsé tous les journalistes anticommunistes, et comme nos stratèges et comme nos énarques refusent de prendre en compte le phénomène, oui je crois nécessaire de se préoccuper.
J'ajoute que l'Amérique, principale puissance industrielle du monde, et l'Allemagne, principal partenaire économique et politique de la France ne sont évidemment pas des pays anecdotiques. Si l'une et l'autre tournent le dos aux systèmes sociaux étatisés, cela devrait faire réfléchir les Français.
Eh bien non ! Plus de 50 ans jour pour jour après la mort d'Ambroise Croizat, son avertissement de 1950 - "nous ne tolérerons pas" - tétanise encore les dirigeants de notre pays.
Voilà ce qui paralyse la France.
JG Malliarakis
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