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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 7 FÉVRIER 2001

SI LES FRANÇAIS ZAPPENT...
C'EST PROBABLEMENT QUE LES PROGRAMMES DE LA CLASSE POLITIQUE  SONT MAUVAIS



L'équilibre entre MM. Chirac et Dumas vu par
Libération en 1999

On entend souvent critiquer les sondages. Un tel dénigrement n'est pas nécessairement très juste. La technique des enquêtes d'opinion, comme celle des études de marché, ne permet pas seulement de mieux comprendre les besoins des gens. Elle pourrait favoriser aussi, par conséquent, une offre politique plus appropriée aux véritables besoins du peuple. Tout cela serait certainement possible si la France était une démocratie. Et c'est en partie d'ailleurs ce que l'on observe dans certains grands et petits pays industriels.

Ce ne sont donc pas les sondages qu'il faut incriminer. Ce sont les gens qui les manipulent et qui les déforment.

Le cas des prochaines élections municipales, particulièrement à Paris, est parfaitement significatif. Depuis des semaines, on entend prédire la défaite de M. Séguin. Et on évite d'évoquer son corollaire immédiat. Vous remarquerez en effet que, jusqu'ici, on entend très peu parler de la victoire subséquente éventuelle de M. Delanoë. Peut-être nous laissera-t-on découvrir cette attachante personnalité quand il sera trop tard pour zapper à nouveau, tout au long des 6 ans de la mandature se terminant en 2007. Paris changera ainsi de visage, de population, en partie de mœurs. Sans doute un tel projet sera-t-il plus attractif sortant d'une pochette surprise, et le prix à en payer en termes de taxes d'habitation, de taxes foncières pour les méchants propriétaires privés ou de taxes professionnelles pour les entrepreneurs, se découvrira, lui aussi, bien assez tôt.

Mais aujourd'hui, nos communicants veulent à tout prix nous habituer à l'idée que les Français zappent, que les Parisiens zappent. Ils en avaient donc assez du roi soliveau, plutôt insignifiant, dont Chirac avait fait en 1995 le maire d'une des plus belles villes du monde, après Venise Peut-être, mais avant beaucoup d'autres tout de même. Les Français et les Parisiens passeront donc ainsi à une nouvelle équipe qui leur demeure encore pratiquement inconnue. Cela se fera au gré d'un mécanisme électoral assurément complexe. La loi PML instituée par Gaston Defferre fait voter à la proportionnelle renforcée par arrondissement, avec panachage de listes limité au second tour conditionné par les scores du premier, ceci aboutissant à un résultat univoque au sein d'un Conseil de Paris gérant simultanément une ville et un département. Bref, le nom du futur maire de Paris ne sera apparu pratiquement sur aucun bulletin de vote. Nous n'aurons pas le droit au choix binaire simple qui a permis ce 6 février aux Israéliens de choisir entre Sharon et Barak. Nous aurons, presque obligatoirement, un enfant de Tunis où, 6 ans après Philippe Séguin, naissait Bertrand Delanoë - cette bonne ville était encore sous protectorat français en 1950 - avant de commencer sa carrière socialiste à Rodez comme premier secrétaire de la Fédération socialiste de l'Aveyron. Mais que les limonadiers se rassurent ce n'est pas sur la seule confrérie des Aveyronnais que M. Delanoë compte pour revitaliser Paris.

Si on scrute les sondages on découvre d'ailleurs que les victoires promises au parti socialiste résulteraient essentiellement des affrontements triangulaires, et d'un taux d'abstention prévu fort élevé.

Nous sommes donc en face du mécanisme télévisuel bien connu. Les Français bâillent en ce moment et ils appuient sur un petit bouton de télécommande. Mais à la différence d'un petit écran dont on peut à nouveau changer l'image 5 secondes après avoir constaté la fadeur du navet voisin ou la médiocrité du débat insipide d'à côté, les Parisiens vont en prendre pour 6 ans et le spectacle ne sera pas gratuit.

La classe politique pourrait bien alors être amenée à se demander si elle ne porte pas la responsabilité des malheurs qui frappent certes, par priorité, la société civile, mais qui accroissent, d'alternance en alternance, son rejet global par l'opinion populaire.

Les Français zappent parce que les programmes sont mauvais. Ils n'ont pas le loisir d'appuyer sur le petit bouton rouge final. Ils doivent consommer au-delà des heures raisonnables et des dates de péremption. Certains trafiquants de marchandises avariées, certains équarrisseurs bénévoles comme M. Devedjian (le 6 février sur Europe N°1) viennent sacrifier le bœuf Séguin avant même qu'on ait examiné la vache folle Delanoë. Cela explique peut-être que nous attendions maintenant, des révélations de M. Sirven, cette part de vérité si terrifiante pour les princes de la république, et si salutaire pour le peuple.

 

 

• JG Malliarakis
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