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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 9  FÉVRIER 2001

L'ÉCHEC TOTAL DE LA GRÈVE DU 8 FÉVRIER LAISSE L'APPAREIL CÉGÉTISTE INDIFFÉRENT

Ce fut donc un échec apparemment total.

Ce jeudi 8 février, dès 8 heures du matin, on sait que le mot d'ordre de grève lancé par la CGT-ferré de la RATP n'est pratiquement pas suivi. Seules deux lignes, la ligne numéro 9 et la ligne numéro 10 sont légèrement perturbées. Et encore : 2 rames sur 3 fonctionnent normalement et seule l'interconnexion Gare du Nord est suspendue pour la ligne B du RER.

Les autobus, ce jeudi 8 circulent à 100 %, les rames du RER à 96 % et le métro à 93 % Le taux de grévistes constaté par la direction est à peine de 10 %.

Or, les conducteurs du métro sont supposés cégétistes à 40 %. La CGT est aussi considérée comme représentative de la majorité du personnel dans cette étrange entreprise monopoliste du transport public à Paris et dans sa proche banlieue.

Une semaine après une grève aux résultats très mitigés le 30 janvier faut-il en conclure que le personnel de la RATP a cessé d'accorder sa confiance à la CGT ?

Le 7 février, il est vrai, la Direction avait avancé de nouvelles propositions d'intéressement à hauteur de 60 millions de francs. Et celles-ci correspondaient à la demande des autres syndicats, des Autonomes et de la CFDT notamment. Si l'accord d'entreprise est signé en mars, ce serait le premier accord d'intéressement du personnel aux bénéfices depuis l'étatisation de cette régie publique, tout simplement parce qu'elle n'a jamais fait à ce jour le moindre véritable bénéfice et que ses prétendus "résultats" actuels sont parfaitement fictifs. Cet intéressement du personnel à des résultats faux a quelque chose d'étrange. Mais nous commençons, en France, à avoir l'habitude du virtuel...

La proposition des technocrates consiste à anticiper, dès cette année, les résultats prévisionnels de 2002 en versant une prime de 1 500 F par personne. Le SAT, Syndicat autonome Traction considère alors que cette prime... dans la mesure où elle est versée au titre des résultats fictifs de l'an 2000... dans la mesure où elle s'ajoute à la hausse générale des salaires de 0,8 %... et dans la mesure où elle n'est pas hiérarchisée, elle peut être considérée comme correspondant maintien sur l'année du pouvoir d'achat, ce qui constitue un acquis arraché par la mobilisation du 30 janvier.

Autonomes et CFDT sont opposés à toute hiérarchisation des primes. Ils considèrent qu'une prime uniforme versée à tous les gants de la RATP suffirait à les désolidariser des initiatives cégétistes.
Pourquoi donc la CGT s'obstine-t-elle à refuser cet accord ?

En fait la vraie question pour la CGT consiste à n'être jamais en reste d'une occasion d'agitation. Ne pas avoir signé, aujourd'hui, lui permettra de maintenir, demain et le plus longtemps possible, des préavis de grèves, même fantaisistes, en cas de besoin.

La force de la CGT ne réside nullement dans l'adhésion des salariés. Théoriquement massive cette adhésion se révèle pratiquement nulle quand on la teste isolément. La force de la CGT repose sur une dialectique. La CGT n'est forte que lorsqu'elle peut mettre ses gros bras au service d'une opération conjointe avec la CFDT un jour, avec Force Ouvrière le lendemain, ici ou là aux côtés des Autonomes.

Parfois même on la voit monter dans un train dont des syndicats d'extrême gauche, par exemple SUD, ont déclenché le démarrage.

La caractéristique fondamentale l'appareil cégétiste c'est son noyautage politique. Certes, la vieille CGT dès son congrès de Limoges de 1895, puis dans la charte d'Amiens de 1906 postulait une indépendance totale vis-à-vis des partis politiques, et même "de toute école politique". Depuis 1945, il n'en est plus ainsi. Et le recul de l'audience électorale du Parti communiste, ces 10 dernières années n'a strictement rien changé. Thibault est toujours un dirigeant communiste. Il a été choisi par le parti. Les 2/3 au moins des membres du Bureau confédéral cégétistes sont des militants zélés du PC. Si lamentable que soit devenue la stratégie politicienne de ce parti, lorsque la CGT lance une grève ou s'y rallie, ou la manipule, ce n'est jamais en fonction de l'intérêt des ouvriers, ou plus généralement des agents du monopole d'État. C'est exclusivement avec une arrière pensée politique, notamment pour faire pression sur le gouvernement, ou au contraire pour faciliter l'action du ministre des Transports, ou encourager ses projets, y compris à l'échelon européen.

L'échec apparent de la grève du 8 février lui est donc totalement indifférent. Et L'Humanité ne lui consacre pas une ligne.
 

 

• JG Malliarakis
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