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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 23 FÉVRIER 2001

QU'EST-CE QUI FAIT COURIR M. CAZETTES ?

En lançant ses 8 chantiers dits de Refondation sociale, sans doute la direction du MEDEF savait-elle ce qu'elle faisait. En tous cas, elle ouvrait la boîte de Pandore d'un jeu fort complexe où entrent 3 mouvements patronaux, 5 centrales salariales qualifiées de représentatives, plus un chapelet d'organisations concurrentes, allant de grands syndicats corporatifs autonomes de la fonction publique (la FSU des enseignants, le nui des impôts, les syndicats policiers, etc.) aux centrales en attente de reconnaissance administrative comme SUD ou l'UNSA.

L'émiettement même de cette galaxie favorise une fâcheuse bipolarisation : d'un côté les réformistes sont ceux qui acceptent de discuter dans le cadre fixé par le MEDEF. Tous les autres ont vocation à être satellisés par la CGT.

Dans ce paysage un grand syndicat bien vieilli subsiste : la CGC. Après des années de règne de Paul Marchelli, nommé en 1993 au comité monétaire de la Banque de France après avoir présidé l'AGIRC, gestionnaire de la retraite des cadres, la centrale cadres a été présidée de 1993 à 1999 par le très falot Marc Vilbenoît. Entretemps le seule effort de rénovation aura été une tentative assez piteuse pour imposer un nouveau sigle "CFE" confédération française de l'encadrement.

Comme le reconnaît son président actuel M. Jean-Luc Cazettes, nommé en juin 1999, les responsables CGC sur le terrain n'ont pratiquement pas changé depuis 20 ans. Il affirme certes : "depuis 32 ans, j'aperçois un changement de profil." Ceci pour la base militante. "Mais, poursuit-il, le MEDEF ne sen est pas rendu compte, parce que nos structures, elles, n'ont pas évolué." (Les Échos 21 février)

Avis donc aux cadres que la CGC intéresserait. La vraie nature du mouvement est d'être, sinon tout à fait bolchevik, du moins largement démotivé par rapport à l'entreprise. Les cadres supérieurs n'y ont pas leur place. Et finalement M. Cazettes ? il faudra bientôt écrire "le camarade Cazettes" ? raisonne comme son compère Blondel.

Il le reconnaît volontiers d'ailleurs : "si la CFDT est moderniste, je veux bien être ringard... Les cadres d'aujourd'hui sont moins ouverts que leurs prédécesseurs à la ligne cédétiste" (bien lire "cédétiste", de la CFDT, et non "cégétiste"). Le scrutin prud'homal de 1997, qui a donné plus de voix à la CFDT qu'à la CGT dans le collège cadres était donc un accident.

Les récentes déclarations de Blondel, à propos de la Refondation sociale sont étrangement convergentes avec celles de M. Cazettes. À Lille, Paris, Marseille, Lyon et Toulouse, Marc Blondel est allé faire une tournée de propagande pour FO dans les commissariats de police. Rien à voir avec la refondation sociale. Et pourtant dans cette dernière ville, le 19 février il a consenti un entretien à la Dépêche du Midi sur le thème "la refondation sociale c'est du pipeau".

Feu sur Mme Notat et la CFDT ! Tel est par conséquent le mot d'ordre commun à la CGC et à Force Ouvrière. À en croire M. Cazettes, la "grande réussite" du 25 janvier aurait été la présence dans la rue de "20 000 cadres". Moins de 10 % du total. Moins de 350 cadres participants par cortège. On ne peut pas laisser passer un courant pareil à la base ! Quant à Blondel, il analyse : "j'ai le sentiment que ça bouillonne et que la mobilisation est possible." Concrètement tout cela alimente les moulins qui font tourner la dialectique et la tactique de la CGT.

M. Cazettes le dit sans fard. En 2003, cet homme aujourd'hui âgé de 57 ans sera candidat à sa propre succession à la présidence du syndicat. Pour cela, il a besoin de regagner 4 ou 5 points au prochain scrutin prud'homal en 2002, afin de venger ainsi l'affront que lui a infligé la CFDT. L'adversaire principal de M. Cazettes c'est donc la CFDT. Au petit-déjeuner il bouffe de la CFDT. À midi, il bouffe de la CFDT. Le soir il dîne de ce qui reste de la CFDT. Pas très digeste...

Au-delà de ce menu très particulier, la grande affaire de la CGC demeure la sauvegarde de la retraite par répartition. Cazettes a présidé lui-même l'ACOSS, agence centrale de recouvrement qui coiffe toutes les Urssaf départementales. De là, il est devenu président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, le 2 plus gros organisme de sécurité sociale après la CNAM. Il ne peut souffrir en peinture les "ultra libéraux" du MEDEF et il le dit sans ambages.

M. Jean-Luc Cazettes, pour cela et pour bien d'autres raisons, est, aujourd'hui un allié parfait pour la CGT.

• JG Malliarakis
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