COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 28 FÉVRIER 2001
COMPARER LE TRIBUT DU TRAVAIL AVANT DE PRÉTENDRE L'HARMONISER
L'harmonisation fiscale est à l'ordre du jour d'une session de l'OCDE qui s'ouvre, fort discrètement, à Paris ce 28 février. Sans doute redoute-t-on ici les délires des prétendus adversaires de la mondialisation. La tentation de cette harmonisation se développe en France sous la pression de certains secteurs du parti socialiste : sans doute seraient-ils marris d'être contestés par les amis de M. Bové.
Les instruments psychologiques d'intimidation en vue de cette harmonisation fiscale au sein de l'OCDE sont de taille. Il s'agit de diaboliser les "paradis fiscaux", de "lutter contre le blanchiment", voire même de "combattre la piraterie, la drogue, le terrorisme", ceci sans préjudice de la "moralisation du commerce", fermant la porte aux produits de "l'esclavage moderne" ou du "travail des enfants", etc. Compte tenu des divers moyens de répression déjà en vigueur il faudra beaucoup de fermeté pour oser dégonfler ces baudruches. Qui oserait ?
Situons-nous donc sur le terrain rationnel, si la chose est possible.
Il existe plusieurs manières de comparer le tribut infligé au travail par les fiscalités des pays industriels. Toutes les comparaisons ne sont pas pertinentes. Il n'est pas innocent de séparer ici impôts et charges sociales. On cherche à faire croire ainsi que la France se situerait dans la moyenne fiscale. C'est une imposture.
Parmi les manières de calculer le tribut imposé au travail il semble logique d'étudier d'abord sa valeur moyenne dans l'économie de chaque nation. On calculera ainsi le multiplicateur social et fiscal moyen résultant de l'ensemble des prélèvements dans l'économie nationale. C'est le rapport entre le coût global du travail pour l'entreprise, ou pour le client, comprenant toutes les charges fiscales et sociales et le salaire direct net perçu par le travailleur. Ce multiplicateur est de l'ordre de 1,8 en moyenne en France autrement dit le coût de 100 F nets d'impôts versés au travail coûte à l'entreprise environ 180 F. Le même multiplicateur est de l'ordre de 1,5 en Europe, 1,4 en Grande Bretagne, 1,3 aux États Unis ou au Japon. Il existe une corrélation forte entre ce multiplicateur et le taux de chômage.
D'autres préféreront se préoccuper, non pas de la moyenne nationale mais d'abord des catégories les plus démunies. On est en face d'un tribut aberrant imposé aux revenus les plus modestes. Le SMIC doit être recalculé pour ce qu'il coûte à l'entreprise. Ceci suggère de discutables politiques d'exonérations. En 1994 c'était la campagne que M. Giscard d'Estaing avait imaginé de développer. Aujourd'hui on la retrouve dans certains cercles proches du gouvernement Jospin.
D'autres enfin concentrent leurs analyses sur la fiscalité marginale imposant les plus dynamiques des entrepreneurs. L'hyper fiscalité est alors la cause de ce qu'on nomme "fuite des cerveaux", "évasion des entrepreneurs et des jeunes actifs".
Ces 3 approches ont leur légitimité. Elles ne donnent pas toutes le même classement. Mais étrangement, dans les 3 modes de comparaison, le système français se retrouve le plus pénalisant de tous les pays industriels. Cette convergence des résultats dit bien ce qu'elle veut dire. L'État français pénalise les faibles, l'État français opprime les classes moyennes, l'État français asservit ses élites. Cela est terrible à constater, mais c'est indiscutable.
Il est également légitime de se préoccuper de comparer les fiscalités de l'épargne. Et on sait que l'État français matraque les épargnants. Et il les mène à une 2e ruine par le biais de ses exonérations. Quand la fiscalité de l'épargne est lourde, les exonérations paraissent avantageuses et elles incitent à la souscription de produits médiocres. À long terme, hélas sans possibilité de comparaison quantifiable, qu'il s'agisse d'épargne vieillesse, d'assurance vie ou d'investissements immobiliers, le venin de ce cadeau empoissonné se révèle plus mortel encore que le racket fiscal auquel il s'ajoute.
JG Malliarakis