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En reconnaissant, par un arrêt du 17 novembre 2000, un droit à dédommagement à la famille Perruche, la cour de Cassation française a ouvert la porte à une crise très grave. On rappelle que le dédommagement porte sur une malformation congénitale qui n'avait pas été diagnostiquée par une échographie. Pavée, comme l'enfer, d'intentions qui se veulent excellentes, cette décision n'allait pas manquer de produire d'importantes conséquences. Tout le monde en était bien conscient sur le moment, sauf peut-être les magistrats.
Dès le 1er décembre, on a vu un collectif de 100 familles de parents d'enfants handicapés assigner l'État pour faute lourde du service public. L'inspiration de ces plaignants était évidemment contraire à celle sous-jacente à la philosophie de l'arrêt. Elle n'en a pas moins droit au respect. Représentée par Me Alexandre Varaut, député européen d'obédience villiériste l'association est fort logique dans sa démarche : "Indemniser une vie handicapée, c'est reconnaître qu'elle constitue un préjudice, et donc que, dans certains cas, la mort vaut mieux qu'une vie handicapée".
L'auteur de ce bulletin tient à s'associer personnellement à l'indignation des familles plaignantes, bafouées dans l'amour qu'elles investissent légitimement pour leur enfant. Il est très dangereux pour notre société de laisser dériver des pulsions aussi graves que l'élimination de ceux qui gênent la vue des bien portants, bien pourvus qui se croient bien pensants. Bientôt on éliminera les vieillards, on commencera par les victimes de la maladie d'Alzheimer. Demain on éliminera les trisomiques. Puis, ce sera le tour des laids, puis des grosses, puis de ceux qui gênent, de ceux qui réfléchissent, ou de ceux qui envisagent des voyages à l'Étranger. Le principe de précaution ne connaîtra pas de limite. Les agneaux d'Europe l'éprouvent déjà en ce temps pascal, après les vaches, en attendant les humains.
Cette inquiétante dérive morale entraîne des conséquences financières non moins préoccupantes.
Ni l'État ni l'assurance maladie n'envisagent, jamais, ni de garantir ni d'assurer ni de soulager la détresse humaine, dès lors que le règlement ne l'a pas prévu.
On voit ce refus clairement à l'uvre dans certains cas proches de celui invoqué. On se reportera au drame récent où, traînée devant la justice pour avoir mis fin à la vie terrible de son enfant autiste, une mère a pu, hélas, dépeindre l'abandon social, et même le rejet, dont sont victimes en France des dizaines de milliers de famille frappées par cette situation épouvantable. L'autisme ne peut faire l'objet d'aucun pronostic : l'État et l'assureur monopoliste ne peuvent donc se défausser sur aucun diagnostic néo-natal, sur aucun praticien, sur aucune solution éliminatoire. Ils refusent donc, tout simplement, de le prendre sérieusement en charge. Il en va autrement dans le cas des handicaps de nature congénitale. L'État possède un alibi. "N'y a qu'à diagnostiquer. N'y à qu'à procéder à un avortement thérapeutique." Le tour est joué.
Il se trouve que l'indemnisation du handicap néo-natal, faute d'être à la charge de la prévoyance sociale va incomber à l'assurance professionnelle du praticien. L'interruption de grossesse ne va même plus être une liberté : elle deviendra une contrainte. Les médecins (mais lequel : l'accoucheur ? L'anesthésiste ? Le gynéco ? Le médecin généraliste chargé de ficher la famille et ses antécédents ? Le laboratoire d'imagerie médicale ? La clinique ?) seront, individuellement ou collectivement, tenu à une obligation de résultat : livrer à date contractuelle des enfants jugés "normaux".
Cette obligation sera sanctionnée comme l'énonce l'article 1142 de notre bon vieux Code civil bourgeois et napoléonien : "Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur". Les professions de santé ne pourront invoquer ni le code de Commerce ni les règles du transport, héritées de la marine marchande et de la grosse aventure, où les marchandises voyagent aux risques du destinataire.
Les protestations professionnelles du corps médical commencent. On se reportera ainsi à Panorama du Médecin (1er mars), au Point (9 mars), etc.
Si on ne revient pas en arrière à temps, plus aucune assurance, même privée, ne prendra en charge ce risque incalculable d'indemniser les vies réputées gâchées. Il s'en suivra que le diagnostic néo-natal disparaîtra, et, pour commencer, que les cabinets d'échographie et d'imagerie médicale fermeront en France. Ce sera un recul évident. On y ira accoucher à l'Étranger. La fuite des cerveaux commencera beaucoup plus tôt encore qu'on ne le redoute habituellement à Bercy.
JG Malliarakis
©L'Insolent
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